Anti-racisme

En ligne | «Notre maître le passé?!? Extrême-droite au Québec 1930-1998» par Eric Cartman – 1999

Cette brochure est en vente à la librairie anarchiste L’Insoumise. Pour une perspective plus récente visitez le site Cause Commune.

anti-fascisme

Table des matières

L’ère des dictateurs

Le fascisme au Québec

Le Nazisme au Québec

Les masses patriotiques

Le Québec et la France durant la Guerre

Entre purs…

Un Nazi après la guerre

Les temps changent

La réaction de Rumilly

Raymond Barbeau et L’Alliance Laurentienne

Un socialisme conservateur

Le néo-socialisme de Raoul Roy

La conversion indépendantiste du fascisme

Rumilly Réincarné : la deuxième fois, c’est encore mieux!

Des nouveaux racistes contre les premières nations

Luc Potvin et L’Espoir

L’indépendance politiquement incorrecte

Le grand chapiteau

Conclusion

Notes

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AVANT-PROPOS

Le texte qui suit a été écrit par Eric Cartman en 1998, et publié dans le quatrième numéro de Antifa Forum, une revue antifasciste de langue anglaise. C’est grâce aux efforts de David Kavanaught qu’il a été traduit, et à plusieurs autres camarades qui ont suggéré des améliorations.

Il est clair que ce texte n’est pas une étude approfondie de toute l’extrême-droite québécoise, mais plutôt un survol historique de cette tendance néfaste au vingtième siècle.

Il est urgent pour les militants de connaître l’histoire de ce courant politique au Québec, car les tensions nationales continuent à alimenter la confusion quant à ce sujet, et les discours xénophobes et autoritaires trouvent des émules chez ceux et celles qui se pensent contestataires progressistes. Ceci a été évident lors de certaines « discussions » que quelques militant-e-s ont pu entretenir avec des nationalistes du MLNQ et d’autres patriotes, qui se disent (sincèrement, je crois) ‘de gauche’, ‘socialistes’, et même ‘antiracistes’, tout en exigeant un moratoire sur l’immigration et une définition restreinte de la citoyenneté dans la société indépendante qu’ils se proposent de bâtir.

Si on veut être en mesure d’évaluer ces mouvements et leurs discours, c’est mieux d’avoir une idée d’où ils viennent et du sort de ceux qui les ont précédés.

Ceci n’est pas pour dire qu’on doit assimiler tout le mouvement nationaliste, peu importe ses défauts, à l’extrême-droite. Ni ignorer la présence de racistes, voire même de néonazis, au sein des rangs fédéralistes. Comme on verra, jusqu’aux armées 1980 la stratégie d’un bon nombre de fascistes québécois était de soutenir l’État canadien et de s’opposer au mouvement indépendantiste.

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Notre maître le passé?!?

Au Canada, le Québec est unique. La seule province à majorité francophone dans un pays officiellement bilingue ne doit son état pas seulement aux conquérants britanniques du Nouveau Monde, mais aussi à leurs rivaux français.

L’Église catholique romaine détient un pouvoir incroyable au Québec depuis le dix-septième siècle, alors que l’homme blanc appelle ce pays Nouvelle-France. L’invasion britannique qui suit la colonisation française ainsi que l’expulsion définitive de la France du continent ne diminuent en rien l’autorité de l’Église; dès que les évêques ordonnent aux paysans d’obéir à leurs nouveaux maîtres britanniques, leur pouvoir est assuré.

Pendant qu’en France la révolution de 1789 achève les privilèges de l’Église et de la noblesse, une sorte de féodalisme persiste ici jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle.

L’ÈRE DES DICTATEURS

Avant 1936, la droite est incarnée par le Parti conservateur tant au niveau fédéral que provincial. En 1936, les conservateurs provinciaux québécois se fusionnent avec des dissidents corporatistes du Parti libéral au pouvoir pour former l’Union Nationale. Idéologiquement, la droite est imprégnée d’un nationalisme1 très catholique, ses organisations les plus importantes étant la Ligue d’Action Nationale, l’École Sociale Populaire, la Société Saint-Jean Baptiste et le journal Le Devoir.

Tout en n’étant pas homogènes, les éléments de la droite canadienne-française possèdent certaines caractéristiques communes: le corporatisme, l’anticommunisme, ainsi qu’une ambivalence face à la démocratie parlementaire, une foi dans les vertus de l’ordre, du travail et de la piété religieuse. Son attitude passéiste peut se résumer dans la devise « notre maître le passé », prononcée par le prêtre et historien d’extrême-droite Lionel Groulx. À l’époque précédant Auschwitz, le mot « fascisme » n’a pas la connotation qu’il a aujourd’hui et tandis que certains partisans de la droite n’adhèrent pas à cette doctrine, elle ne porte certainement pas le même stigmate que le socialisme, la franc-maçonnerie ou le communisme.

Les armées vingt et trente sont fiévreuses au Québec. Des sociologues ont même appelé cette époque « la première Révolution tranquille»2. Pour la première fois dans l’histoire de cette province, la plupart des gens habitent en ville et le prolétariat industriel est mis en évidence. L’immigration atteint alors des sommets inégalés. Les immigrants se retrouvent dans les usines de Montréal et plusieurs d’entre eux deviennent des militant-e-s radicaux. Un immigrant anarchiste met sur pied la Cuisine populaire juive sur la rue Rachel3. Au cours de cette période, la vaste majorité des membres du parti communiste ne sont ni d’origine anglaise ni française4.

Ces développements provoquent la réaction des traditionalistes. Pour la droite, les communautés immigrantes en général et la communauté juive en particulier sont les terreaux de la subversion5. Plusieurs journaux demandent une législation antisémite; si l’expulsion n’est pas possible, certains demandent au moins un moratoire sur l’immigration juive et un refus de l’accès à la pleine citoyenneté. Des démagogues dénoncent le contrôle juif sur l’économie du Québec et sur un gouvernement corrompu. La toute nouvelle Ligue du Crédit Social utilise son journal Vers Demain afin d’exposer les machinations juives et franc-maçonnes en vue de détruire la civilisation chrétienne. Un des pionniers du Crédit Social, Louis Even, s’en prend au « système économique judaïsé » et déplore le fait que «quand même bien tous les Juifs seront exterminés, si nous gardons le caractère désordonné de notre système économique, nous récolterons les mêmes résultats.»6 Alors que Lionel Groulx demeure plus ou moins indifférent face au pouvoir étatique, d’autres prêtres tels que Pierre Gravel de Boischatel font appel à une révolution de la droite pour remettre les pendules à l’heure.7

La xénophobie de la droite n’a d’égale que son anticommunisme. En 1930, le Père J. Papin Archambault, directeur de l’École Sociale Populaire (une organisation vouée à la propagande nationaliste et corporatiste, et parfois antisémite), forme le Comité d’œuvres catholiques (COC) afin de coordonner la campagne anti-communiste de l’Église. Le COC produit de la propagande anticommuniste, faisant ainsi pression sur le gouvernement provincial pour fermer l’Université Ouvrière communiste8. Le COC s’arrange aussi pour que de bons catholiques s’infiltrent dans des réunions communistes pour servir d’informateurs. Alors que le groupe du père Archambault mène ses tâches en public, en 1935 un autre comité, secret celui-ci, est mis sur pied sous la houlette du cardinal Rodrigue Villeneuve9, un homme qui décrit les communistes comme étant « des serpents venimeux aux morsures hypocrites »10. Les deux comités travaillent étroitement avec le gouvernement et partagent des renseignements avec la police provinciale. En 1937, l’Union Nationale promulgue la loi du Cadenas, rendant illégale l’utilisation d’un local ou d’une demeure pour promouvoir le communisme -un terme laissé commodément indéfini, car dans les mots du Premier ministre Duplessis, « ça se sent. »11

LE FASCISME AU QUÉBEC

L’anticommunisme et l’antisémitisme forment le fumier dans lequel pousse le fascisme. Depuis la prise du pouvoir en Italie par Benito Mussolini en 1922, nombre d’intellectuels sont impressionnés par cette idéologie. Des journalistes vantent les mérites du dictateur italien dans les pages de l ‘Action Nationale, du Progrès du Nord, de la Province et du Devoir, pour ne donner que quelques exemples.

En 1935, un jeune avocat du nom de Paul Bouchard se réunit régulièrement avec quelques amis dans l’idée de lancer un journal fasciste12. Le premier numéro de La Nation est publié l’année suivante; il devint bientôt l’organe le plus important de la presse fasciste au Québec. Bouchard attaque les Juifs, les francs-maçons et les Anglais, et fait appel sans cesse à la création d’un État français, fasciste et catholique. Tout en étant anticommuniste, La Nation s’oppose également au capitalisme, par moments remontant ses sources jusqu’à l’anarcho-monarchiste Proudhon.13

Presque au même moment où Bouchard s’apprête à lancer son journal, les frères Walter et Dostaler O’Leary créent le groupe Jeunesses Patriotes14. Jusqu’en 1939, les JP ont maille à partir avec La Nation, partageant les mêmes approches et la même idéologie, recrutant dans les mêmes cercles tout en étant incapables de s’entendre sur qui doit diriger le mouvement. Dès le début, Bouchard se plaint à Lionel Groulx que ces frères tentent de faire fermer son journal15. Pour sa part, Walter O’Leary prétendra plus tard que des sympathisants de Bouchard l’auraient kidnappé, le tenant en joue dans le but de lui faire signer une déclaration admettant que Bouchard sera le führer du Canada français!16

Quelle que soit la véracité de ces récriminations mutuelles, le fait reste que les JP ne publient qu’un numéro de leur journal, L’Indépendantiste, avant de se joindre à La Nation. Une paix instable dure un peu plus d’un an, jusqu’à ce que Bouchard se débarrasse des O’Leary, ou jusqu’à ce que ceux-ci se tirent dans le pied, tout dépendant de la personne que vous choisissez de croire.

En 1936, Bouchard s’essaie à la politique électorale, posant sa candidature en tant que chef du Comité central autonomiste dans le comté de Sainte-Marie à Montréal17. Ne réussissant pas à se faire élire, son Comité central devint le Parti autonomiste, moulé sur le modèle du parti fasciste de Mussolini. En 1939, il tente un rapprochement avec l’éphémère Parti National, un rejeton de l’Union Nationale mené par Philippe Hamel, un fier corporatiste qui se sent trahi par la dérive pro-capitaliste de l’UN sous Duplessis. Dès 1940, l’entourage de Bouchard change encore de nom : enrichi d’une vaste coalition de nationalistes et de groupes de droite, c’est en tant que candidat du Parti Nationaliste que Bouchard récolte 12 900 voix contre 16 700 pour son adversaire Louis Saint-Laurent dans le comté de Québec Est.18

LE NAZISME AU QUÉBEC

Si Bouchard et les O’Leary ne ménagent pas leur enthousiasme pour Franco, pour Mussolini et pour Salazar, ils sont au mieux distants face à Hitler. Le totalitarisme nazi est perçu avec un certain dédain, la menace allemande envers la France avec inquiétude et la montée de l’antagonisme entre le régime hitlérien et le Vatican avec une alerte croissante. Au moment où le pape Pie XI publie son encyclique Mit brennender Sorge, condamnant à la fois communisme et nazisme, la plus grande partie de la droite a déjà tourné le dos au Troisième Reich.

La plus fameuse exception au large courant antinazi au Canada français est Adrien Arcand, un fleuron passager du Parti conservateur, éditeur du journal L’Illustration Nouvelle, et un antisémite jusqu’au bout des ongles. Au cours des quinze années précédant la Deuxième guerre mondiale, Arcand publie nombre de feuilles de chou, chacune davantage raciste et démagogique que la précédente. Son livre La clé du mystère accuse les Juifs de se livrer à une guerre éternelle contre les chrétiens innocents. Il mène une campagne pour leur exclusion des institutions catholiques, suggérant la déportation à Madagascar pour s’attaquer à la racine du problème. Il aide à organiser des boycotts de magasins juifs et mène victorieusement plusieurs batailles contre des projets de loi servant à protéger la communauté juive. En 1934, il fonde le Parti National Social Chrétien (PNSC) afin de mettre ses idées en pratique. Le PNSC ne se distingue pas seulement par son nazisme mais aussi par son nationalisme pancanadien qui l’envoie à la recherche d’alliés hors du Québec, stratégie qui mène ultimement à la formation du Parti de l’Unité Nationale du Canada (PUNC) en 1938.

Arcand se fait souvent attaquer dans les pages de La Nation, qui le décrit comme un vendu à l’Empire britannique. Les conservateurs le supporteraient dans le but de discréditer les authentiques fascistes canadiens français19. Il subit même les foudres de ses propres rangs, plusieurs radicaux se joignant au camp Bouchard en 1936. Dans une lettre ouverte, ces renégats reprochent à Arcand de mener le PNSC sur des bases insuffisamment fascistes, et ils l’accusent d’être un pion à la solde du Parti conservateur20. Bien sûr, cette dernière accusation n’est pas infondée. Tout au long des années 30, Arcand manifeste son appui pour le Parti conservateur qui le lui rend bien. Plusieurs députés sont sympathiques à la cause du PNSC. D’après le sénateur Pierre Blondin s’adressant au Premier Ministre Bennett, « ce parti finira par devenir un ‘Parti conservateur régénéré’, ce dont, à mon avis, nous avons besoin au Québec. »21

Alors qu’il est dans les bonnes grâces de l’establishment du pays, Arcand établit des ponts avec des membres de l’extrême-droite internationale. Ironiquement, le plus controversé des ces liens – celui tant vanté du PNSC avec l’Allemagne Nazie – finit par être le plus court. Depuis le début de la guerre jusqu’à leur défaite militaire subséquente, la seule contribution importante des Allemands au troupeau d’Arcand est d’ordre idéologique plutôt que matériel. Plus durables sont les liens qu’Arcand établit avec des racistes américains, anglais et français à cette époque. La clé du mystère est distribuée en France par Louis Darquier de Pellepoix22, future tête dirigeante de la Commission des Affaires Juives, grand complice du régime nazi. À ce poste, il est personnellement responsable de la déportation de 9000 juifs vers les camps de concentration allemands23. En 1937, à New York, Arcand partage le podium avec plusieurs sommités fascistes: H.H. Beamish du groupe anglais The Britons, 1’antisémite américain R.E. Edmonson, le führer des Silver Shirts W.D. Pelley, le « Bundiste » américano-germanique Fritz Kuhn et le fasciste Rudolph Markham24. Il se vantera de cette soirée pendant des décennies, demeurant en contact avec certains de ces hommes toute sa vie.

LES MASSES PATRIOTIQUES

Dans ces temps-là, il n’y a qu’une très faible bourgeoisie canadienne-française, l’économie au Québec étant dominée par des entrepreneurs britanniques, américains et anglo-canadiens. Contrairement au reste de l’Amérique du Nord, au Québec l’idéologie de la droite n’est pas liée au capitalisme par « ses propres patrons », ainsi la droite tend à être davantage loyale envers l’Église et la nation qu’envers l’argent ou l’État. Cette particularité ne permet pas seulement une certaine mystique anticapitaliste, elle permet de jeter les bases d’un consensus entre la droite modérée et extrémiste.

On acclame les mêmes vertus et l’on condamne les mêmes vices. Parmi ces derniers, on retrouve le communisme, le libéralisme, le féminisme et l’immigration, alors que parmi les vertus on vante le corporatisme, l’autosuffisance, la piété catholique et l’autonomie provinciale. Tout accroc à cette formule mène à la marginalisation pour quiconque se trouve dans le milieu politique de droite.

L’absence de toute réelle dispute entre les fascistes, les ultramontains25, les corporatistes et les conservateurs mène à un front uni contre la gauche et à une indulgence face à la frange plus radicale de la droite, et ce, à travers toute la structure du pouvoir. Plusieurs hommes d’affaires appuient avec enthousiasme les fascistes, espérant ainsi écraser dans l’œuf la lutte des classes. Maurice Duplessis, meneur charismatique de l’Union Nationale et ami personnel de plusieurs investisseurs étrangers, affirme sans cesse que la seule menace vient du communisme, le fascisme n’étant qu’une chimère que les communistes ont inventée afin d’apeurer les masses26.

Ce consensus de la droite permet à des gens qui, aujourd’hui, seraient considérés comme étant des ‘extrémistes’ de bénéficier de la clémence de l’élite. En 1933, quand les Juifs de Montréal organisent une manifestation contre le régime nazi allemand, les Jeunes-Canada profascistes (qui, par la suite, collaboreront avec les Jeunesses Patriotes) contre-manifestent avec la bénédiction du journal Le Devoir et des nationalistes de droite de L’Action Nationale27.

Un an plus tard, quand les internes à l’Hôtel-Dieu déclenchent une grève pour protester contre l’embauche d’un résident juif, ils sont appuyés par Arcand, Le Devoir, la Société Saint-Jean Baptiste et d’autres membres de la droite28.

En 1936, lorsqu’une délégation de la république espagnole visite Montréal dans le cadre d’une tournée nord-américaine, plus de deux mille étudiants prennent part à une manifestation pro-Franco qui dégénère en émeute antisémite. Arcand, Le Devoir, les autorités religieuses et l’association étudiante de l’Université de Montréal sont tous d’accord pour féliciter les émeutiers. Le lendemain, Duplessis aussi les applaudit, faisant valoir qu’en s’opposant au communisme, ils suivent les enseignements de l’Église29.

En 1939, la Société Saint-Jean Baptiste fait circuler une pétition s’opposant à l’immigration, particulièrement celle des Juifs. La même année, le maire de Montréal, Camillien Houde, annonce qu’en cas de guerre l’appui des canadiens français ira inévitablement à l’Italie de Mussolini30

LE QUÉBEC ET LA FRANCE DURANT LA GUERRE

La deuxième guerre mondiale polarise la droite internationale. Plusieurs fascistes accèdent au pouvoir à l’occasion de l’occupation allemande de leurs pays. À travers l’Europe, ceux-ci mènent à bien la sanglante besogne qu’est l’holocauste, dirigeant des escadrons de la mort et se livrant à des pogroms les plus meurtriers que l’Europe ait jamais connu.

En même temps, dans les pays qui ne sont pas envahis par l’Allemagne, les classes dirigeantes perdent subitement leur sang-froid devant leurs chiens de garde fascistes. La droite se scinde rapidement en deux groupes: ceux en qui on peut avoir confiance et aux ceux dont on doute. Ces derniers, malgré leurs protestations ultra-patriotiques, deviennent souvent suspects de trahison, de conspiration avec l’Allemagne à l’encontre des intérêts de leurs propres gouvernements.

Arcand affirmera plus tard que lui et ses acolytes se seraient battus contre l’Axe durant la guerre31. Comme plusieurs fascistes à travers le monde, surtout avant que l’armée allemande attaque l’URSS, leur sympathie pour les Nazis ne prenait pas le pas sur leur nationalisme et leur sens du devoir patriotique. Ou bien c’est selon ses dires – la vérité étant impossible à savoir puisqu’il est interné avec quelques autres membres de son parti, ainsi que des centaines d’autres personnes soupçonnées de poser une menace à la sécurité nationale, la majorité d’entre elles étant des victimes d’une paranoïa d’État, au début des années 40. Ce nombre n’inclut pas, bien sûr, les 21 000 japonais, la majorité étant des citoyens canadiens, qui sont internés au début de 1942.

Alors que la question à savoir si les fascistes canadiens représentent une menace pour la sécurité nationale demeure matière à controverse, leur envoi dans des institutions carcérales refroidit les ardeurs dans les rangs du camp fasciste. Le maire de Montréal, le démagogue Camillien Houde, ne cesse de s’élever contre la conscription et s’aperçoit bien vite que sa position ne peut plus le protéger. Paul Bouchard32 et les frères O’Leary33 flairent le danger et s’envolent en Amérique Latine.

L’antimilitarisme est répandu au Québec durant la guerre. Le sentiment de répulsion envers la conscription – imposée par un gouvernement élu après avoir promis un enrôlement seulement volontaire – et l’impression qu’il s’agit d’un conflit impérialiste ne doivent pas être assimilés à des sympathies pour le fascisme. Néanmoins, le terrain est fertile pour l’éclosion de sentiments antidémocratiques qui apparaissent effectivement.

Même à droite, il y a très peu de sympathie pour les Nazis. Entre 1937, alors que le pape Pie XI condamne d’un même coup le nazisme et le communisme, et 1940, quand l’Allemagne envahit la France, la droite devient hostile au nazisme. S’opposer à Hitler ne veut pas dire nécessairement un rejet du fascisme, toutefois. Franco d’Espagne et Salazar de Portugal trônent toujours au panthéon des héros de la droite. Ils sont rejoints bientôt par le Maréchal Henri-Philippe Pétain qui, suite à l’invasion de la France en 1942, met sur pied une dictature autoritaire à Vichy et fait la paix avec les Allemands.

Héros de la première guerre mondiale, pour ses admirateurs Pétain est un brave et noble patriote. Sous son commandement bienveillant une partie de la France demeure à l’abri du contrôle allemand. En fait, Vichy est un régime collaborationniste. Sans pour autant être national-socialiste, il constitue une dictature catholique autoritaire, plus que désireuse d’aider les Nazis à exterminer des « indésirables ». Sous la gouverne de Pétain, plus de 80 000 « ennemis du Reich », dont l’écrasante majorité est juive, sont envoyés aux camps de la mort. Pour plusieurs tenants de la droite, l’invasion allemande représente une opportunité inattendue de se débarrasser de toute trace de la révolution française. Le Devoir publie des articles pourfendant la France libre (alors que les résistants de De Gaule sont connus), et on remarque que plusieurs d’entre eux ont des noms à consonance juive. La Société Saint-Jean-Baptiste refuse une participation des gaullistes à sa parade annuelle. Ce ne sont pas des faits isolés. La sympathie envers Pétain est répandue: en 1942 un sondage montre que les trois quarts des Québécois approuvent les politiques du maréchal34. Dans les milieux politiques plus sympathiques aux alliés, il est commun d’adhérer à la thèse voulant que de Gaule représente l’épée et Pétain le bouclier, les deux jouant des rôles essentiels et complémentaires dans la défense de la France. Étant donné que le Canada maintient des relations diplomatiques avec le régime de Vichy et la France libre jusqu’à la fin de 1942, il est possible d’aimer Pétain et d’afficher à la fois un appui à la cause des Alliés.

En 1941, un journal farouchement pétainiste est lancé, s’appelant La Droite. Il proclame que: « la France vraie, celle de saint Louis et de Jeanne d’Arc, celle des corporations et des croisades, a jeté au linge sale sa défroque républicaine et anticléricale et laïque pour retrouver sous l’égide du glorieux Maréchal la figure traditionnelle et chrétienne qu’elle exhibait, rayonnante, au monde avant que les philosophes de l’obscurantisme révolutionnaire de 1789 ne l’aient voilée, salie et défigurée… »35

Dans un éditorial, La Droite loue la Garde de Fer roumaine en tant qu’alternative nationaliste aux nazis et aux communistes, cette forme d’alternative devant être promue au Canada36. Plus tôt cette année là, la Garde de Fer s’est assurée sa place dans l’histoire, se livrant à un pogrom à Bucarest au cours duquel entre 600 et 1000 Juifs sont tués. Plusieurs cadavres de victimes sont mutilés, pendus à des crochets de boucherie dans une entreprise d’abattage de la viande, marqués au fer rouge avec les mots « viande cachère », puis décapités.

Alors que la propagande antisémite et même fasciste est tolérée en temps de guerre au Canada, certains choses dépassent les bornes. Plus tard cette année, La Droite annonce que les Canadiens-Français résisteront à l’effort de guerre si jamais le Canada attaquait la France de Vichy. Quelques jours plus tard, la GRC ferme le journal37.

La Droite n’est pas le seul journal à promouvoir de telles opinions. Peu après que la GRC le ferme, un nouveau journal apparaît : l’Unité. Publié par les autonomistes Paul Gouin, Philippe Hamel et René Chaloult, tous des proches de Paul Bouchard avant la guerre, l ‘Unité choisit comme devise « Tradition, Famille, Patrie »—le credo officiel du régime vichyste38.

Une autre revue, l ‘Oeil, est lancée en 1942. Magazine « littéraire, politique et culturel », l ‘Oeil est également antisémite, pétainiste et résolument anticommuniste. Son sous-titre « Je vois partout » rappelle le journal pro-nazi « Je suis partout » qui est publié en France et lu des deux côtés de l’Atlantique avant la guerre. Au moment où une victoire des alliés semble de plus en plus probable, l ‘Oeil met en garde ses lecteurs contre les communistes et les Juifs aptes à tirer avantage de la situation au détriment du monde chrétien.

En 1942, deux jeunes fascistes (Raymond Chouinard et Lauriot Hardy) sont arrêtés pour avoir distribué un bulletin en faveur de l’Axe au cours d’une manifestation contre la conscription. À l’occasion d’une perquisition au domicile des jeunes fascistes, la police met la main sur ce qui semble être une liste des membres d’une organisation secrète, la Garde de Fer39, favorable à l’Axe. Au même moment, le père Pierre Gravel – un fasciste qui condamne les Juifs avant, pendant et après la guerre – tient des services politico-religieux réguliers dans la voûte de son église à Saint Roch, fournissant ce que Robert Rumilly appellera plus tard « un tout autre son que celui du bourrage de crâne de la propagande officielle. »40

Vichy tombe à la fin de 1944. Pétain est arrêté, toutefois plusieurs des pires collaborateurs disparaissent dans la nature. À travers l’Europe, des gens se souviennent tout à coup de toutes les petites choses qu’ils ont faites et qui peuvent maintenant être embellies et déclarées actes de résistance. Certains collaborateurs deviennent subitement des conspirateurs antinazis. Si on a balancé quelques Juifs ce n’est pas si grave en autant qu’on peut se rappeler quelques autres qu’on a laissé tranquilles. Les petits gestes de bonté deviennent plus importants que les crimes grotesques…

Néanmoins, les bouchers les plus connus ont raison d’avoir peur : quelques-uns uns sont exécutés par l’État gaulliste et d’autres goûtent à la justice populaire.

Les fascistes français ont déjà connu le Québec avant Vichy. Les publications d’Arcand étaient diffusées en France avant la guerre, et des intellectuels du Québec avaient visité l’Europe et rencontraient des hommes de droite. Quand des réactionnaires français visitaient le Québec, ils remarquaient que le clergé et des politiciens déclaraient ouvertement leurs sympathies fascistes. On aimait surtout le monarchisme de l’Action Française de Charles Maurras. En fait, ce n’est rien d’autre que le Cardinal Villeneuve qui plaide auprès du pape Pie XI en faveur de Maurras quand celui-ci est condamné pour sa préférence de l’absolutisme politique41. Alors que la guerre finit, la droite québécoise reste presque inchangé. Bien sûr, on déteste le nazisme, mais, comme on a déjà remarqué, la droite québécoise n’était jamais pro-nazie, ayant toujours préféré Mussolini, Franco et Salazar. En 1945, Paul Bouchard retourne de l’Amérique latine. Adrien Arcand et ses disciples sont libérés de l’internement. Des corporatistes et ultramontains continuent pas mal comme avant, faisant attention maintenant à souligner le caractère non-nazi et « latin » de leurs idées. On parle moins de Juifs et plus de communistes.

ENTRE PURS…

Dès l’arrestation de Pétain, les réseaux de la droite en Amérique du Nord se mettent à l’œuvre. Aux États-Unis, un Charles Sweeney de l’Idaho écrit un pamphlet sympathique dont le titre est simplement Petain 42, tandis que le professeur Harry Elmer Barnes de New York – proche des Nazis, il va devenir un des premiers négationnistes américains 43 – dénonce le sort réservé à Pétain dans Crucifying the Saviour of France : France ‘s New Dreyfus Case 44 (traduction : Crucifier le Sauveur de la France : une nouvelle affaire Dreyfus). Un comité américain pour la libération de Pétain est formé sous la gouverne de George Edward Rutherford, et son plaidoyer en faveur du maréchal est publié dans le Washington Star et le New York Daily News.

Le communiqué de Rutherford est repris dans Le Devoir45, et les ouvrages de Barnes et de Sweeney sont mis à la disposition du public à la bibliothèque de Montréal. Ils y ont été déposés par un certain Robert Rumilly46, un homme dont les idées de droite sont bien connues. Citoyen français de naissance et ancien membre de l’Action Française de Charles Maurras47, Rumilly va devenir le leader des défenseurs de Vichy au Canada. En 1946, il contacte des journalistes, disant avoir l’autorisation de parler directement au nom du maréchal Pétain48. Quand le journal créditiste Vers Demain écrit que « La clique qui poursuit le plus grand Français du jour [i.e. Pétain] est fille spirituelle de la clique qui livra Jeanned’Arc au bûcher» Rumilly les félicite pour leur lucidité : « De la juiverie à la maçonnerie en passant par l’Intelligence Service [les services secrets britanniques], toutes les forces qui s’acharnent contre Pétain, comme elles s’acharnent contre Franco, sont ennemies mortelles des traditions et des aspirations du Canada français. Ceux des nôtres qui y prêtent les mains sont des fous ou des traîtres. »49

L’élite locale encourage la campagne de défense du « plus grand Français de notre temps » orchestrée par Rumilly. Des douzaines de politiciens en vue, d’intellectuels et de professionnels signent une lettre ouverte destinée à l’ambassadeur de France, défendant ceux qui paient maintenant le prix de leur collaboration durant la guerre. Ils en ont contre le fait que « les procès, les condamnations, les exécutions atteignent brutalement une partie de l’élite française, » remarquant que « Les condamnés sont accusés d’avoir collaboré avec le vainqueur après un armistice légalement signé. Est-ce un crime? C’est exactement ce que font à l’heure présente en faveur des alliés, les Hongrois, les Roumains, les Italiens. C’est précisément ce que les chefs de notre peuple, y compris les chefs religieux, nous ont ordonné de faire au lendemain de la conquête anglaise.»50

Pétain, toutefois, ne constitue que le début de l’intérêt au Québec pour l’extrême-droite française. Dans les années qui suivent, plusieurs personnages en vue de ce régime traversent l’atlantique, espérant que personne ne s’apercevra du début de leur nouvelle vie au Canada. L’odieux d’être un fasciste en fuite et obligé à se cacher dans l’arrière pays nord-américain est atténué par la générosité de membres influents de la société canadienne-française. Les hommes d’affaires disposés à offrir un emploi ou une aide à ces patriotes ne manquent pas. À telle enseigne qu’un bienfaiteur, Jean Bonnel, commente en ces termes la protection qu’il offre à un ex-meneur d’un escadron de la mort nazi: « Entre purs, on se donne un coup de main. »51

Plusieurs de ces tenants du régime de Vichy voient leurs cas portés à l’attention du gouvernement fédéral en 1948, et pour un moment leur expulsion semble probable. Cette menace pousse Rumilly, Camillien Houde (qui une fois de plus est réélu au poste de maire), Philippe Hamel, et l’ancien politicien autonomiste Paul Massé à former un Comité pour la défense des réfugiés politiques français. En septembre 1948, quand le gouvernement fédéral promulgue un arrêté en conseil permettant à la majorité des collaborateurs de rester au Canada, les énergies du comité se concentrent sur la défense d’un individu contre lequel le gouvernement semble avoir des visées précises: Jacques Dugé comte de Bernonville.

De Bernonville est un aristocrate français. Il s’implique dans nombre d’organisations fascistes avant la guerre, y compris l’Action Française de Charles Maurras – où il rencontre Rumilly pour la première fois52. Alors que le dégoût de Rumilly pour la France moderne l’amène à immigrer au Québec en 1928, de Bernonville demeure en France, s’impliquant dans l’organisation terroriste pro-nazie La Cagoule53. Il est un des premiers à appuyer Pétain lorsque celui-ci prend le pouvoir en 1940, et il est vite nommé dirigeant de la Commission des Affaires Juives en Afrique du Nord, une section d’État de Vichy ayant pour objectif l’implantation d’une nouvelle législation antisémite. En 1943, il est rapatrié en France et placé à la tête d’un régiment de la Milice, un escadron de la mort directement sous le commandement allemand. C’est avec la milice que le comte s’implique personnellement dans la torture et l’assassinat de présumés « terroristes »54 (i.e. membres de la Résistance française).

Au moment où les alliés sillonnent l’Europe, de Bernonville trouve refuge dans les monastères français puis en Espagne où le régime franquiste demeura sympathique au fascisme jusqu’aux années 70. Déguisé en prêtre, il traverse l’Atlantique pour arriver à New York, d’où il contacte des amis au Québec. On prend des arrangements et il traverse la frontière canadienne pour s’établir là où il ne manque pas d’admirateurs. Le premier à le défendre est Robert Rumilly, le lien entre les deux étant si fort que Rumilly parraine une des filles du comte.

En 1948, la situation se gâte pour de Bernonville, lorsqu’un ancien membre de la Résistance française, faisant des affaires au Canada, le reconnaît. Sentant la soupe chaude, de Bernonville prend contact avec le gouvernement canadien espérant qu’un aveu sur la manière dont il est entré au pays lui évitera une poursuite pour ses écarts de conduite en Europe et en Afrique. En peu de temps, le gouvernement canadien découvre que de Bernonville a déjà été condamné à mort in absentia par les autorités françaises.

Le 2 septembre 1948, la famille de Bernonville est arrêtée par les autorités de l’immigration. Elle est passible de déportation dans son pays d’origine. Le réseau de Rumilly se met immédiatement en branle. Des membres du parlement fédéral et des avocats éminents se mobilisent alors pour combattre l’ordre de déportation, qui, en peu de temps, se voit repoussé à une date indéterminée. La famille de de Bernonville est finalement libérée en échange d’une caution de $5 000, payée par Bonnel, l’ami de Rumilly55.

Le Comité pour la défense des réfugiés politiques français prend contact avec des fascistes français, non encore remis de la victoire Alliée. S’engagent des pourparlers en vue d’organiser une tournée québécoise par quelques membres influents de l’extrême-droite française. Ces plans vont toutefois échouer parce qu’aucun d’entre eux ne semble être suffisamment anti-gaulliste pour les membres du Comité!

De Bernonville trouve cependant des appuis dans certains journaux comme Le Devoir, le Montréal-Matin, La Patrie et l ‘Action Catholique, de même qu’auprès des membres du cabinet de l’Union Nationale et de certains députés conservateurs fédéraux. La police provinciale fait une faveur à Rumilly en désignant un membre de son escouade anticommuniste pour enquêter sur le vétéran de la Résistance ayant reconnu pour la première fois de Bernonville56. Dans toute la province, des groupes catholiques se mobilisent, les Chevaliers de Colomb pressant Ottawa de ne pas envoyer « aux Rouges français, le grand patriote catholique qu’est Monsieur le Comte. »57

Quand les nationalistes d’extrême-droite discréditent le gouvernement fédéral, de réelles injustices rendent la tâche plus facile. Depuis la confédération, la préférence accordée aux immigrants britanniques crée un profond ressentiment. La spécificité culturelle du Québec est sans influence sur la politique anglo-saxonne de l’État fédéral. Rumilly exploite ces sentiments avec beaucoup d’adresse. Il fulmine contre le ministère de l’Immigration qui cherche à déporter le comte : « Il y a une heure, chaque jour, où la langue française résonne dans tous les bureaux de l’administration fédérale. C’est sept heures du matin, l’heure des femmes de ménage. »58

Pendant que Rumilly obtient un succès retentissant dans ses efforts pour mobiliser la petite bourgeoisie canadienne-française pour la cause de son ami, cette classe n’est pas en position d’imposer quoi que ce soit à Ottawa. Qui plus est, des nouvelles des atrocités commises par la Milice et de l’ampleur de l’Holocauste rendent de Bernonville moins « pur » qu’il ne l’a déjà été. Même si plusieurs veulent croire que les émules de Pétain n’étaient que de simples anticommunistes, dans ce cas-ci la preuve écrasante quant à une participation directe dans la torture et le meurtre ne peut être passée sous silence. Beaucoup de partisans de la première heure commencent à rebrousser chemin.

Embarrassé, le gouvernement libéral d’Ottawa veut maintenant se débarrasser de cette patate chaude. Le bureau du Premier ministre commence à laisser entendre que pour le bien de tous il sera préférable que de Bernonville trouve un autre havre de paix. Étant donné la gloire défaillante des émules de Pétain au Québec, cette idée semble de plus en plus attrayante. Le 17 août 1951, décidant que la meilleure forme de bravoure sera la discrétion, de Bernonville et sa famille s’envolent pour Buenos Aires.

Après s’être agitée en vain, la clique de Rumilly doit admettre son échec. Toutefois, tenant compte du fait que de Bernonville soit demeuré au Canada pendant cinq ans et que le gouvernement fit tout ce qui était en son pouvoir pour éviter d’avoir à le retourner à la France, ce serait une exagération de dire que les pétainistes ont totalement échoué. Un criminel de guerre pouvait non seulement quitter le Canada en tant qu’homme libre mais de plus, la controverse entourant sa situation occultait l’arrivée et l’hébergement d’autres collaborateurs.

UN NAZI APRÈS LA GUERRE

Adrien Arcand est libéré de sa captivité le 3 juillet 1945. Il a encore de nombreux admirateurs, si bien qu’un notaire bienveillant lui achète une maison à Lanoraie, près de Joliette59. Sans perdre de temps, il reprend contact avec des Nazis sur la scène internationale, incluant Sir Barry Domville et Andrew Leese qui ont été internés en Angleterre, H.H. Beamish en Rhodésie, G.L.K. Smith et RJB. Edmonson aux États- Unis ainsi qu’avec des irréductibles antisémites désireux de continuer l’œuvre d’Hitler en Suisse, en Afrique du Sud et dans les pays Scandinaves. Le réseau international de fascistes d’avant la guerre renaît de ses cendres.

En 1947, on rapporte qu’environ 500 fascistes se sont réunis à l’occasion de l’anniversaire d’Arcand afin de rebâtir le Parti de l’Unité Nationale du Canada60. Plusieurs disciples d’avant la guerre adhèrent au mouvement. Arcand cherche à faire passer ses idées à travers le parti ressuscité, et aussi à travers de nouveaux livres et communications. Bien entendu, ce peut être lors d’une de ses conférences au collège Loyola (devenu plus tard l’Université Concordia) qu’Arcand rencontra pour une première fois un jeune étudiant Allemand au nom d’Ernst Zundel…

Dans les premières années suivant sa libération, Arcand trouve un allié dans l’Oeil, le même magazine qui claironnait les mérites du pétainisme durant la guerre. Alors que son nom n’est pas imprimé, d’autres sympathisants nazis signent leurs articles. Arcand prend des arrangements afin que son ami anglais Sir Domville puisse publier une série d’articles sur la politique internationale, toujours dans une perspective antisémite, jouant sur la théorie de la conspiration61. Comme pour une grande part de l’histoire de l’extrême-droite au Québec, il est difficile de décrire précisément ce qu’il advient de l’association entre le PUNC et l’Oeil. La correspondance entre Arcand et Domville indique toutefois que la revue prend ses distances face aux Nazis vers 1950.

Étirant jusqu’à la corde l’appui qu’ils ont à l’Oeil, les membres du PUNC commencent à publier leur propre journal, l’Unité Nationale. Anticommuniste, comme se doit, et antisémite, il publie des articles relatant les crimes des «judéo-communistes », particulièrement dans le cadre de conflits de travail et pour discréditer le Parti libéral. D’autres articles vantent le gouvernement de l’Union Nationale : les disciples d’Arcand sont demeurés des admirateurs inconditionnels du premier ministre Maurice Duplessis. Dans une déclaration répondant à des allégations à l’effet que le gouvernement se serve de ses alliés fascistes, les membres du PUNC avancent que « l’Union Nationale n’a jamais aidé notre mouvement. Ce qu’elle pense de nous est indifférent. Qu’elle aime ou n’aime pas nos idées, cela ne nous empêchera pas de l’appuyer aussi longtemps qu’elle demeurera ce qu’elle est: le seul parti politique vraiment national et chrétien dans notre arène provinciale… »62

À peu près à la même époque, Arcand commence à travailler avec la Ligue anticommuniste pan-canadienne, un amalgame de nationalistes canadiens et d’immigrants de l’Europe de l’Est encore accrochés à l’héritage du Troisième Reich. Les meneurs de la Ligue sont Pat Walsh et Ron Gostick, de fervents antisémites et créditistes fidèles à Douglas. Ils sont des premiers Canadiens à nier l’holocauste. Walsh et Gostick sont responsables, en partie, du maintien de la sympathie envers le nazisme de certains Canadiens après la chute du Reich. Le PUNC demeure en contact avec le duo, imprimant et diffusant les écrits provenant des divers groupes racistes ou adeptes du complot qu’ils animeront au cours des années (Christian Action Movement, Canadian League of Rights, etc.).

Arcand demeure en haute estime et respecté par certaines couches de la classe dirigeante. Il est en très bons termes avec le député de son comté, Rémi Paul (futur ministre de Justice dans le gouvernement de l’Union Nationale de 1966 à 1970, reconnu pour son attitude répressive face aux mouvements dits « subversifs »). Celui-ci l’invite à l’assemblée d’investiture pour élire un chef du Parti conservateur en 1963 (« Vous ne sauriez croire, cher Adrien, comme je serais heureux de pouvoir vous rencontrer à cette assemblée… »63). Arcand refuse, expliquant qu’en tant que dirigeant du PUNC, il ne peut pas se permettre de rendre public son appui pour les conservateurs. En d’autres mots, l’increvable nazi trouve maintenant qui c’est lui qui se compromettrait en s’associant avec le Parti conservateur!64

Non pas qu’il soit toujours aussi conscient de son image : au cours des élections fédérales de 1957, il s’implique publiquement dans les élections de Rémi Paul et de Georges Valade. Ce dernier remercie Arcand en lui écrivant que son appui l’a certainement aidé à nettoyer le comté de Ste-Marie des politiciens véreux du Parti libéral.65

On doit se rappeler que certains des disciples d’Arcand d’avant-guerre ont échappé à l’internement. Ceux-ci se sont ensuite recyclés en politiciens respectables. Arcand en fait la remarque dans une lettre critiquant l’évolution de l’Union Nationale après Duplessis66. On ne peut s’empêcher de penser que c’est ce à quoi fait référence le député conservateur de Vaudreuil-Soulanges, J.M. Bourbonnais, lorsqu’il écrit à Arcand lui demandant de comprendre « qu’il ne m’est pas toujours facile d’exprimer tout ce que vous nous avez enseignés et je dois me refouler plus souvent que je puis m’exprimer. »67

Les politiciens ne sont pas les seuls à garder le contact avec le grand homme sage du nazisme canadien. Le chanoine Georges Panneton, auteur de plusieurs livrets contre le féminisme, les danses immorales et la franc-maçonnerie avant la guerre, échange des informations avec Arcand à propos du judaïsme. C’est un domaine pour lequel le prêtre (comme beaucoup d’autres) considère encore Arcand comme un grand expert. Dans une lettre, Panneton avance que « Si vous n’avez pas reçu le Sacerdoce, vous êtes devenu quand même un apôtre de la Vérité et du Bien. Vous avez été un vaillant Soldat du Christ, et vous en aurez la récompense éternelle…»68

Certes, pour certains, la réputation d’Arcand est améliorée par son martyr, c’est à dire son internement, pendant la guerre. Ses opinions sont recherchées par des fascistes de partout au monde. Francis Parker Yockey se met à sa recherche et finit par demeurer chez lui pendant quelque temps69. Arcand est très impressionné par le livre de Yockey, Imperium, et devient partisan de son Front de libération européen dans les années 1950. Un tel appui n’est pas inconséquent puisque Yockey, qui sera appelé le « Hitler américain »70, a des difficultés à séduire certains condisciples influents comme G.L.K. Smith et Arnold Leese, l’ayant tous deux taxé de juif ou de fou.

Jusqu’à sa mort, Arcand reste un joueur de premier plan dans la droite raciste internationale. Un des pionniers de la négation de l’Holocauste, Paul Rassinier, le contacte depuis la France parce qu’il cherche des informations au sujet de la création de l’État d’Israël71. R.E. Edmonson le décrit comme le plus grand spécialiste mondial sur la question juive. G.L.K. Smith publie non seulement un éloge à son endroit dans The Cross and The Flag72, mais il l’encourage aussi de faire une tournée en Amérique73. La revue American Mercury donne ses garanties au führer du PUNC que tout ce qu’il soumettra sera publié74. Un jeune dénommé Colin Jordan lui écrit au nom du Club Nationaliste de Cambridge demandant de la documentation75 (Jordan sera par la suite un dirigeant du National Front britannique). De partout dans le monde, une nouvelle génération de chercheurs racistes et fascistes contacte Arcand afin d’obtenir le « scoop » sur la dernière machination « judéocommuniste ».

Mais si Arcand, le théoricien raciste obsédé de complots, connaît quelque succès, en tant que dirigeant politique il rate le coup. Lors de sa mort, le 1 er août 1967, il laisse derrière lui un tout petit parti, dont il passe les commandes à son collaborateur de longue date Gérard Lanctôt. Pour les trente prochaines années, le PUNC vivote, publiant son bulletin régulier (Serviam) et tenant des congrès annuels, mais en tant que force politique il n’est plus que l’ombre de lui-même. Toutefois, dans le monde aliéné de l’extrême-droite, il conserve une partie de son prestige. Le père Gravel, vénérable curé de Boischatel, continue à prendre la parole aux rencontres, et même dans les années 1980, certains des premiers boneheads montréalais disent suivre les traces de cette formation. Qui plus est, certains des leaders de l’extrême-droite catholique contemporaine au Québec ont fait leurs premiers pas dans les rangs de ce parti résolument nazi.

Alors qu’aujourd’hui le parti est vidé de ses forces, il faut reconnaître que le PUNC et Adrien Arcand ont joué un rôle indéniable dans le développement de l’extrême-droite au Québec. Non seulement la philosophie d’Arcand définit l’élément nazi des années 1930, mais dans les décennies suivant la guerre, le PUNC continue à servir de point de ralliement pour les antisémites purs et durs. Grâce autant à son journal l’Unité Nationale qu’à la réputation de son dirigeant, il s’efforce de garder une couche de l’extrême-droite en contact avec leurs homologues états-uniens, européens et anglo-canadiens. Au moment où beaucoup de fascistes canadiens français semblent plus corporatistes que chauvins et plus tentés par l’anticolonialisme que par la pureté raciale, les disciples d’Arcand font valoir leur hostilité non seulement contre les Juifs, mais aussi contre les noirs, les asiatiques, la démocratie et le socialisme. Dans une société où plusieurs extrémistes se rangent du côté des courants plus respectables, abandonnant l’autonomisme de droite pour le séparatisme et parfois même faisant défection pour virer à gauche, le PUNC fait office de rempart en tant que point de référence pronazi, impérialiste et anticommuniste.

LES TEMPS CHANGENT

L’échec des acolytes d’Arcand dans la recherche d’une base politique après la guerre, l’incapacité pour la droite Pétainiste de maintenir l’appui nécessaire à de Bernonville et le stigmate croissant attaché au mot «fasciste» ne sont que des petites rafales annonçant la tempête toute proche. Le large consensus de la droite – qui inclut les fascistes et les ultramontains, les corporatistes et les conservateurs – s’effrite; la libéralisation et le déclin rapide de l’Église catholique ainsi que la montée d’une bourgeoisie canadienne-française forcent la droite à faire la paix avec la démocratie bourgeoise. Dans les années 60, l’émergence d’un nationalisme de gauche, inspiré par une vague mondiale de décolonisation aux allures marxistes, lui enlève sont dernier atout. La combinaison de ces facteurs, catalysée par la mort de Maurice Duplessis en 1959 et la défaite subséquente de l’Union Nationale aux élections de 1960; mène aux réformes de ce qui est communément appelé la Révolution tranquille et, de nos jours, la période précédant cette « révolution » est qualifiée de Grande Noirceur.

Ceci dit, ce n’est pas une purification à la Robespierre : pas de rupture, ni extirpation des maux du passé, mais c’est plutôt un processus de modernisation qui inclut – par nécessité même – l’intégration de la vieille droite dans le nouvel édifice démocratique. Alors qu’un examen de la trajectoire politique de plusieurs anciens sympathisants fascistes de cette époque en dit long sur lesquelles de leurs opinions de jeunesse avaient à être rejetées et lesquelles pouvaient être solubles dans le discours démocratique, nous n’en ferons pas le propos de cet essai76.

Dans le cadre d’un examen de l’extrême-droite québécoise du vingtième siècle, ce qui nous intéresse de cette période est la résistance face au changement.

LA RÉACTION DE RUMILLY

Robert Rumilly est un écrivain prolifique et membre fondateur de l’Académie canadienne-française. Il écrit plus de cinquante livres, et plusieurs de ses ouvrages sur l’histoire du Québec seront des lectures obligatoires pour les étudiants universitaires. Bien sûr, il manie aussi la plume pour faire valoir ses opinions politiques. Il excelle dans l’art des hagiographies politiques et de la diffamation partisane, particulièrement dans les pages de Nouvelles Illustrées, une feuille de chou liée à la machine Duplessiste.

L’une des obsessions que Rumilly entretient toute sa vie est l’infiltration présumée d’éléments communistes à l’intérieur de la société canadienne- française. Vers la fin des années 1950, il s’en prend particulièrement à la Société Radio-Canada qui, à la radio ou à la toute nouvelle télévision, dissémine des idées estimées dangereuses, mettant en péril les valeurs traditionnelles. Les uns après les autres, les journalistes sont cloués au pilori parce qu’ ils sont des « agents communistes » ou simplement des opportunistes corrompus. Le crayon empoisonné de Rumilly cite des noms, les dépeint comme des agents subversifs communistes, utilisant les médias nationaux dans le but de diffuser la propagande soviétique et chinoise77.

Non seulement les colonnes de Nouvelles Illustrées sonnent l’alarme, mais Rumilly se met en contact avec plusieurs députés de droite pour leur faire part de ses préoccupations. En 1958, il rencontre L.J. Pigeon, un député conservateur à l’oreille attentive, ainsi que des politiciens  tels que Hubert Badonai et Rémi Paul. Des révélations au sujet de la mainmise communiste sur les médias de masse sont bientôt claironnées dans les bulletins de droite à travers le Canada. Les chasseurs de communistes collaborent dans le but de montrer comment les bolcheviques ont infiltré les institutions gouvernementales. Pat Walsh prend contacte avec Rumilly pour partager des renseignements au sujet d’activités « communistes » menées par divers journalistes. Les deux hommes s’échangent des lettres durant les années 1950, Rumilly répétant à l’occasion les allégations de Walsh dans son propre papier.

Même si ses efforts journalistiques ne réussissent pas à déraciner les «communistes» de la SRC, Rumilly ne se décourage pas. Quand deux prêtres, les pères Dion et O’Neill, condamnent publiquement l’Union Nationale pour avoir faussé les élections provinciales en 195678, Rumilly se porte à la défense du régime Duplessiste. Toute mention d’intimidation à l’encontre d’électeurs, de répression politique ou d’autres actes répréhensibles de la part du plus grand chasseur de communistes canadien, ne peuvent être autre chose que de la propagande communiste. En l’espace de quelques mois, Rumilly répond publiquement aux jésuites démocrates avec son propre À propos d’un mémoire confidentiel, Réponse à MM. Les abbés Dion et O ‘Neill.

Cette riposte littéraire n’est que le début. En 1956, encouragé par quelques membres fascisants du clergé québécois, Rumilly convoque certains intellectuels du même acabit pour fonder le Centre d’information nationale. Ce groupe fonctionne pour une période de six ans dans le but de contrer la « subversion de gauche » au moyen d’un renouveau nationaliste de droite79. C’est sous les auspices du CIN que Rumilly écrit son plus infâme torchon, L’infiltration gauchiste dans le Canada français, alléguant que les forces à l’œuvre pour la démocratie bourgeoise au Québec font toutes partie d’un sinistre complot communiste.

Dans la tradition classique des réactionnaires de l’élite, le CIN n’est jamais très actif sur la scène publique, pas plus qu’il ne tente de former un mouvement de masse. En mettant ensemble certains des réactionnaires les plus influents de l’époque, il tente de coordonner une réponse intellectuelle à la Révolution tranquille naissante. Chez les partisans de la première heure, on remarque Raymond Barbeau, Gérard Gauthier, le R.P. Gustave Lamarche, Anatole Vanier, André Dagenais, Léopold Richer et Albert Roy80. Il est appuyé dès le début par le père Achille Larouche de Sherbrooke, le père Pierre Gravel de Boischatel et le père Georges Panneton de Trois-Rivières. (Comme nous l’avons déjà vu, Gravel et Panneton sont aussi très proches d’Adrien Arcand et du PUNC.)

Les membres du CIN contribuent à plusieurs publications anticommunistes, conservatrices et nationalistes. Albert Roy publie Tradition et Progrès (1957-1962), Gustave Lamarche dirige les Cahiers de la Nouvelle-France (1957-1964) et Léopold Richer publie avec sa femme Julia la revue Notre temps81. Ces publications se démarquent par leur élitisme, leur idéalisme catholique et corporatiste sans pour autant oublier de pourfendre la démocratie libérale. De plus, toutes sont nationalistes dans le sens qu’elles s’identifient au Canada français et cherchent à défendre ses droits nationaux. Malgré ces dénominateurs communs, chacune a son public, son propre style et son point de vue.

Malgré la participation d’autant de réactionnaires influents, le CIN est incapable d’endiguer la vague du changement. Roué de faiblesses internes, le Centre d’information nationale voit son faible succès davantage lié à la fragilité des forces sociales qu’il représente, puisque à ce moment-là, l’Église et l’Union Nationale sont devenues des géants aux pieds d’argile. Même s’ils sont indépendants en théorie, le Centre et ses publications alliées sont tous sympathiques, voire liés au vieux régime, qui le leur rend bien autant financièrement que moralement En 1960, un an après la mort de Duplessis, son parti est défait aux élections provinciales, marquant ainsi la fin d’une époque.

En 1966, d’anciens membres du CIN mettent sur pied un comité bidon «pour l’Unité Chrétienne et Nationale du Québec», mais la tentative échoue et n’a aucun impact. Pour un court moment, Rumilly écrit pour La Liberté, un journal anticommuniste, catholique et anti-séparatiste mis sur pied par son ami Jean Bonnel (celui qui avait aidé de Bernonville en 1948). Ce journal ne fera pas long feu.

RAYMOND BARBEAU ET L’ALLIANCE LAURENTIENNE

Si le CIN demeure un petit joueur, un de ses membres, Raymond Barbeau, fera bientôt les manchettes. En 1957, Barbeau fonde L’Alliance Laurentienne : le groupe le plus important adhérant au séparatisme depuis les Jeunesses Patriotes, l’Alliance veut bâtir un État corporatiste franco-catholique sur les rives du St.-Laurent. Ni Québec ni Canada français, ce nouveau pays s’appellera Laurentie.

L’appel à un État Laurentien indépendant crée une rupture avec l’autonomisme de la droite traditionnelle, et il est sévèrement critiqué par certains observateurs. Toutefois, d’autres sont prêts à lui accorder le bénéfice du doute. Rumilly, même s’il est lui-même un anti-séparatiste farouche, met Barbeau en contact avec Walter O’Leary, qui enverra en retour des copies du journal de l’Alliance, Laurentie, à plusieurs de ses amis.

Laurentie publie seize numéros entre 1957 et 1962. Un de ses collaborateurs réguliers est Albert Pinel, un homme d’affaires qui avait engagé le comte de Bernonvile quand celui-ci cherchait du travail en 194782, puis qui s’est allié avec Rumilly dans sa guerre contre les «communistes» à Radio-Canada83. Il y a aussi l’historien membre du CIN et de la Société Royale du Canada, Séraphin Marion. Dans le deuxième numéro, Gérard Gauthier — un membre du CIN et probablement du PUNC aussi84 qui a édité des bulletins anticommunistes et antisémites aux années 40 — pond un long article prônant une révolution corporatiste nationale. Gauthier décrit 1’«Internationale capitaliste» et «L’Internationale syndicaliste prolétaire» en tant qu’ennemies du peuple Laurentien, lequel — « uni par son sang Français » — doit vivre sous l’autorité désintéressée d’une élite la protégeant du « système libéral athée »85.

Contrairement à d’autres membres de la droite, Barbeau ne sent pas le besoin d’attaquer le courant nazi représenté par Adrien Arcand. Malgré leurs opinions carrément opposées sur plusieurs points, Barbeau tombe sous le charme de La clé du mystère d’Arcand en 1950, et il est fasciné lorsqu’il rencontre l’auteur six ans plus tard86. Il tient une correspondance avec Arcand, traitant de la nature anti-chrétienne et démoniaque du judaïsme87 et le tenant informé sur l’évolution de l’extrême-droite québécoise88. Barbeau était l’un des rares séparatistes à ne pas être attaqué dans les pages de l ‘Unité Nationale.

En fait, selon au moins un observateur, l’Alliance Laurentienne inclut plusieurs anciens membres du PUNC89. Quand André Dagenais (qui collabore avec Barbeau au Centre d’information nationale) critique ces relations90, Barbeau défend Arcand, affirmant que « certains hommes de courage dénoncent les méfaits des communistes, juifs, francs-maçons et socialistes, dans le but de fortifier les militants catholiques contre des erreurs de doctrine, et aussi pour déniaiser les gogos. »91

Néanmoins, un aspect important distingue l’Alliance Laurentienne non seulement du PUNC d’Arcand, mais aussi des autres fascistes du soi-disant « monde blanc ». Tandis qu’une vague anticolonialiste balaie la terre, alors que les unes après les autres les vieilles superpuissances européennes perdent leurs colonies d’outre-mer, l’Alliance de Barbeau prend le pari inusité d’identifier les intérêts des canadiens français avec ceux des masses rebelles du tiers-monde, comparant le Québec aux nations colonisées de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine.

L’anticolonialisme de l’Alliance marque une importante évolution. La droite traditionnelle prend pour acquis que les anciennes colonies dériveront vers le communisme. Dans les pages résolument anticommunistes de la Laurentie, la décolonisation est vue d’un bon oeil, et on ne présume pas que des pays à l’indépendance toute récente vireront à gauche et non pas à droite.

À mesure que le temps passe, l’Alliance Laurentienne ouvre ses portes aux non-catholiques, et selon des tenants de la ligne dure, elle sacrifie ses idéaux de droite sur l’autel du pragmatisme politique. Alors qu’elle reste encore plutôt à droite comparée aux autres formations politiques, et qu’elle représente certainement l’aile conservatrice du mouvement séparatiste naissant, par le simple fait de sa lucidité politique et de son ouverture face à la décolonisation, l’Alliance se rend moins anachronique que le PUNC ou le CIN.

Pendant que le gouvernement du Parti libéral de Jean Lesage (1960- 1965) entreprend une série de mesures afin de moderniser le Québec, les Laurentiens ont moins de difficulté à se trouver une place dans le nouveau paysage politique. Plusieurs deviendront membres du nouveau Ralliement pour l’indépendance nationale (RIN) un point de rencontre pour tout un chacun voulant faire la promotion de l’indépendance du Québec. Certains gardent leur opinions politiques de droite alors que d’autres se trouvent balayés par le tumulte politique, oubliant Barbeau et ses fantaisies corporatistes, se joignant même à la gauche.

La Révolution tranquille met de l’avant la démocratie capitaliste moderne au Québec, et des groupes comme le CIN et le PUNC son entravés par leur étroite association avec le passé. De nouvelles organisations se doivent d’apparaître dans ces nouvelles conditions.

UN SOCIALISME CONSERVATEUR

Si l’Alliance Laurentienne représente l’aile droite du «nouveau» nationalisme, l’aile gauche semble s’incarner dans l’Action Socialiste pour l’Indépendance du Québec (ASIQ), son dirigeant, Raoul Roy, et son journal, la Revue Socialiste. Le premier numéro de cette publication rejette explicitement le fascisme de l’Alliance Laurentienne affirmant que «L’état corporatiste, créé par les éléments nationalistes réactionnaires persécuterait les catholiques sociaux et libéraux, de même que les minorités non-catholiques du Québec […] il étoufferait toute liberté intellectuelle… de plus il fossiliserait la nation canadienne (française) dans son arriération sur tous les autres peuples de race blanche…» De plus, « Le corporatisme pétrifierait le Québec en une « réserve » rétrograde, ignorante et léthargique, économiquement stagnante et culturellement stérile.» 92

L’ASIQ s’attire les foudres de Robert Rumilly, qui accuse ses membres d’être des subversifs bolchéviques. De son côté la Revue Socialiste accuse Rumilly d’être «le défenseur de cette domination des monopoles anglo-saxons sur notre économie québécois […] Rumilly c’est le propagandiste de notre esclavage […] Pétainiste invétéré, disciple de l’athée Charles Maurras, le sort des individus réduits en esclavage et des peuples serfs lui laisse indifférent […] Dans un quartier colonialiste de Montréal, tous les dimanches, un groupe de ces maurassiens hitlériens se réunit chez nul autre que Robert Rumilly… On y prêche l’évangile monarchique, anti-sémite et anti-France… Ces rites sont agrémentés de chants militaires des SS nazis enregistrés sur disques (distribués par une firme américaine, comme il se doit) et écoutés religieusement par l’assistance pendant que le vin mousseux coule à flots.»93

Roy et ses alliés ne cachent par leur haine pour la vieille garde nationaliste, qui, par son autonomisme et son appui à l’Union Nationale, est perçue comme ayant vendu la nation canadienne-française. L’ASIQ distribue Les damnés de la terre de Frantz Fanon ainsi que des livres sur la Révolution espagnole ainsi que plusieurs ouvrages de l’anarchiste français Daniel Guérin. Plusieurs dénonciations de l’impérialisme britannique et de l’oppression du Canada français par la Revue Socialiste sont salutaires, c’est le moins qu’on puisse dire. Son appui percutant au Cuba de Castro et à l’idée de révolution prolétarienne semble le situer dans la gauche radicale.

Mais rien n’est parfait ou sans contradictions. Le nouveau nationalisme québécois comportant apparemment le présage d’un progrès, d’un changement révolutionnaire même, est porteur des mêmes potentialités que le vieux nationalisme, comme tous les nationalismes. Pendant que ses tendances xénophobes et totalitaires peuvent être atténuées dans certaines situations — laissant la place aux aspects libérateurs et pluralistes — à d’autres moments, la libération nationale devient un paravent pour justifier l’exploitation des travailleurs, le cadre patriotique devenant ainsi un terrain miné.

Ainsi, dès ses débuts, l’ASIQ répète la rengaine anti-immigrante de la vieille garde nationaliste. La plate-forme qui dénonce le corporatisme pour son oppression des non-catholiques, explique aussi que les « socialistes doivent affirmer qu’il est du droit des prolétaires canadiens (français) de se protéger à la fois comme ouvriers et comme canadiens (français) contre la politique anti-ouvrière d’utilisation des immigrants pour maintenir les salaires à des bas niveaux et aussi, contre l’usage de l’immigration en vue de las affamer et de les noyer. »94 Les socialistes doivent demander un moratoire sur l’immigration et « ils doivent de plus exiger que les immigrants pour le Québec, s’il survenait une véritable pénurie de main-d’œuvre, soient recrutés dans les pays de civilisation latine et, aussi, qu’ils soient payés aux mêmes salaires que les ouvriers du pays. »95 L’ASIQ possède aussi un groupe paravent spécialisé dans l’agitation anti-immigrante : la Ligue de la main-d’œuvre native du Québec96 (LMNQ). Maurice Dufort, son dirigeant, taxe ses opposants de « ‘cosmopolites’ véreux, ‘internationalistes’ rêveurs, ‘mondialistes’ illuminés et ‘métissistes ‘ lunatiques »97. Accusant l’immigrant d’être un « soldat du colonialisme », Dufort dénonce le mouvement syndical qui refuse de se ranger derrière sa ligue raciste.

Un tel racisme doit être mis en contexte. Plusieurs syndicats nord-américains ont une longue histoire d’opposition à l’immigration sur les mêmes bases que la LMNQ. Au tournant du siècle, des organisations de la classe ouvrière blanche ont fortement appuyé les mesures antiasiatiques en Colombie-Britannique. Même après la Deuxième guerre mondiale, certains syndicats ont continué à réclamer un moratoire sur l’immigration.

Des références au « travailleur blanc » sont choses communes au XIXe siècle autant que le sont aujourd’hui les attaques « progressistes » contre les travailleurs Mexicains ou Coréens qualifiés de « voleurs de jobs ». Aussi déprimant que cela puisse paraître, sous plusieurs aspects l’existence d’un racisme précoce dans l’ASIQ n’a rien de spécial.

Or, il est à noter que les organisations de travailleurs, même celles dont les membres sont majoritairement blancs et de vieille souche, n’adoptent pas automatiquement un tel racisme. Les « gauchistes » racistes ne peuvent soutenir en toute honnêteté que leur xénophobie vient naturellement de la classe ouvrière (et ça ne serait pas plus acceptable même si c’était le cas!). La LMNQ était critiquée par la CSN pour avoir traité les immigrants en boucs-émissaires, Gérard Pelletier faisant valoir que la seule solution au chômage endémique est la mise en place de programmes sociaux et un code de travail s’appliquant à tous98.

Mieux encore, les tendances xénophobes dans le mouvement indépendantiste sont dénoncées sans ambiguïté dans les pages de Révolution Québécoise, un journal animé par le jeune Pierre Vallières. Il vaut la peine de citer un article de Michel Bourhis, dans le numéro de février 1965 de ce journal :

« Mais s’il est vrai que l’immigrant peut être utilisé par le capitalisme anglo-saxon, il a un potentiel encore plus grand comme allié éventuel d’une classe ouvrière qui deviendrait révolutionnaire au Québec. Si le Québec possède une tradition prolétarienne encore limitée, si le mouvement syndical québécois demeure a-politique, par contre, les mouvements ouvriers en Grèce, en Italie, en Espagne et au Portugal ont des traditions politiques et révolutionnaires profondément enracinées. »99

Bourhis précise que « C’est notre responsabilité qu’il devienne notre allié, et non la sienne. »

La LMNQ ne durera pas longtemps, mais le racisme qu’elle manifeste se révélera un présage des choses à venir, car il deviendra bientôt le leitmotiv d’un certain « ultranationalisme » pure laine.

La Revue Socialiste tire huit numéros entre 1957 et 1963, moment où un manque de fonds résulte en un changement de format de la publication en un bulletin stencil, l’Indépendantiste. Malgré ses difficultés financières, l’ASIQ joue un grand rôle dans l’édification de la gauche nationaliste. Un de ses membres, Raymond Villeneuve, aide à la mise sur pied du Front de Libération du Québec, une organisation clandestine dont les activités sont rapidement passées des graffitis aux attentats à la bombe symboliques.100 Raoul Roy connaît plusieurs des premiers membres du FLQ, et on le décrit comme le père spirituel du mouvement. 101

Comme plusieurs socialistes, Roy assimile le Canada français à une nation prolétarienne, et certes, il y a une évidente dimension de classe dans les rapports entre francophones et anglophones au Canada. En 1961, le revenu moyen d’un foyer francophone est de 35% inférieur à celui d’un foyer anglophone. Avec 27% de la population Canadienne, le Québec abrite 40% des chômeurs au pays et moins de 20% de l’économie provinciale est aux mains des francophones.102

S’il est évident qu’il y a un aspect colonial dans la condition prolétarienne du Québec, plusieurs nationalistes rejettent le scénario d’une mise en veilleuse du projet de changement social en attendant l’obtention de l’indépendance, et de plus en plus ils adoptent une approche internationaliste. En 1964 Jean Rochefort écrit dans Révolution Québécoise que :

« C’est non seulement une folle utopie de croire qu’il sera plus facile de supplanter la bourgeoisie nationale canadienne-française après la sécession, mais c’est un aveuglement dangereux qui risque de mener à l’isolement et à l’asphyxie des groupes progressistes au Québec. »103

En 1965, plusieurs felquistes sont arrêtés pour avoir fourni de la dynamite au Black Liberation Front, une organisation révolutionnaire Américaine qui est une des cibles du programme répressif du FBI, le COINTELPRO.104 Puis, dans un élan de solidarité avec le Front de Libération Nationale du Vietnam, le 1er mai le FLQ pose une bombe devant le consulat américain à Montréal. Plus tard, au cours de cette même année, Charles Gagnon et Pierre Vallières réorientent le FLQ vers la lutte des classes, menant des attaques contre la bourgeoisie francophone dans le but d’appuyer des travailleurs en grève.105 Vallières, associé à l’extrême gauche du mouvement indépendantiste, décrit son combat comme faisant partie d’une « révolution globale, qui non seulement renversera l’État capitaliste mais abolira, en même temps, tout ce qui a, depuis des siècles, perverti et empoisonné les rapports sociaux, la vie en société: la propriété des moyens de production et d’échanges, l’accumulation et la concentration du capital entre quelques mains, les catégories marchandes, l’économie de marché, les échanges fondés sur ‘la loi du plus fort’, et jusqu’à l’argent lui-même. »106

Les vieux fascistes constatent qu’une jeune génération s’apprête à embrasser la gauche révolutionnaire. Ils se croient alors justifiés de croire que le séparatisme mène au communisme. Mais alors que le FLQ atteint ses limites vers la gauche, Roy et compagnie se dirigent dans la direction opposée. L Indépendantiste prend en grippe le « Valliérisme » et propose une alliance de toutes les classes sociales canadiennes-françaises. Roy écrit que les socialistes ne doivent plus appuyer les travailleurs dans leurs conflits avec la bourgeoisie canadienne-française. Mieux encore, « Pour ce qui est des Américains, il est évident que le Franc-Canada ne pourra obtenir son indépendance politique malgré leur volonté. Il est donc urgent que toute propagande antiaméricaine cesse chez les indépendantistes… Il faudra considérer ceux qui continuent à attaquer les Américains comme des gens qui font le jeu de la domination colonialiste d’Ottawa par ignorance, traîtrise ou imbécilité… Ce qui signifie la fin des manifestations contre l’intervention américaine au Vietnam de la part des indépendantistes. »107

LE NÉO-SOCIALISME DE RAOUL ROY

Entre 1966 et 1997, année de sa mort, Raoul Roy écrit plus d’une douzaine de livres et bon nombre d’articles définissant son « socialisme anti-colonial ». Ses idées ressemblent beaucoup aux écrits d’autres gauchistes venant de nations opprimées. Mais ce à quoi elles ressemblent le plus sont les doctrines néo-socialistes développées en Europe dans les années 30. Les néo-socialistes commencent à gauche mais, rejetant la lutte des classes, ils finissent par s’opposer non seulement au communisme, mais aussi à l’égalitarisme, prônant ainsi ce qu’ils appellent un « fascisme de gauche ». Comme Roy, ils sont vite assimilés au large mouvement fasciste plus large et définitivement d’extrême-droite, appuyant la bourgeoisie et collaborant avec les Nazis.108

La conversion fasciste de Raoul Roy ne s’est pas opérée en un clin d’œil. Il n’est pas seul non plus à faire le saut. L’ASIQ s’est éteinte dans les années 60, mais plusieurs de ses membres continuent à se réunir. Dans les années 70, Roy et ses disciples commencent à publier un journal sporadique, La Revue Indépendantiste. Tout Canadien Français n’étant pas suffisamment nationaliste est taxé de traître, et tous les non-francophones qui s’opposent au Canada français unilingue, monoculturel et « socialiste » se voient attaqués sur la base de leur ethnicité. Roy s’en prend aux soi-disant « nationalistes mous », il se porte à la défense de l’Église catholique et trouve le courage de s’attaquer aux États-Unis. Il fustige les marxistes qui persistent à ignorer le fait que la lutte nationale, et non la lutte des classes, soit le moteur de l’histoire

En fait, le seul domaine où Roy peut se sentir d’une quelconque affinité avec Marx est celle du besoin de régler la « question juive ». Roy ne peut s’empêcher d’observer que « On a parfois l’étrange impression, dans le cas de tous les apatrides soi-disant ‘internationalistes’ qui faisaient bon marché des aspirations nationales des peuples opprimés, qu’il s’agit d’un dialogue entre Juifs déracinés par-dessus les frontières. »109 En 1979, il consacre un livre entier à ce sujet.110 Il écrit qu’il « n’existe pas de race juive, ni nation, ni nationalité, ni peuple, ni religion, ni culture, ni mode de vie qui aient des traits vraiment communs à tous les Juifs »! 111, la vraie nature du judaïsme étant « une société mi-secrète de promotion mutuelle » 112. Il s’appuie sur l’universalisme « progressiste » qui conduit certains marxistes à affirmer que la libération des Juifs implique l’abolition de toute forme d’identité Juive. Il ne manque pas d’ajouter que le matérialisme de Marx marque bien son propre échec à s’émanciper de l’esprit Juif. 113

Roy tient ces propos universalistes, appelant à la disparition des minorités, en même temps qu’il mène une défense acharnée pour la spécificité culturelle canadienne-française. Ceci devient un élément clé du racisme « socialiste » de Roy : la division de l’humanité entre « vraies nations » et « fausses nations », ces dernières devant disparaître au profit des autres.

En 1981, Roy fonde le Carrefour de la résistance indépendantiste (CRI), pour promouvoir un nationalisme xénophobe et traditionaliste. Comme l’ASIQ avant lui, le CRI utilise les immigrants comme boucs-émissaires responsables de la situation au Québec. Durant les dix années suivantes, le CRI collabore avec de nombreux groupements semblables notamment SOS Génocide et le Rassemblement pour un Pays Canadien-Français (RPCF)114. À travers ses liens avec le RPCF, il est lié au Mouvement pour une immigration restreinte et francophone (MIREF) et au Mouvement pour la survie de la nation (MSN).115 Tous ces groupes font des prises de position publiques et tiennent même des manifestations contre l’immigration «massive et suicidaire». Ils demandent que seuls les nouveaux venus provenant de cultures catholiques et « latines » (i.e. française, espagnole, portugaise ou italienne) soient admis au Québec.

À la fin des années 80, Roy achève ouvertement sa reconversion. Dans un numéro spécial de la Revue Indépendantiste portant sur les années 30, il interviewe Walter O’Leary et Paul Bouchard, anciens fascistes d’une autre époque. Si autrefois, il dénonçait le corporatisme comme étant médiéval, intolérant, antiprolétarien et antidémocratique, Roy le décrit maintenant en termes flatteurs, à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme. Il se vante maintenant de la manière avec laquelle il s’identifiait jadis au journal de Bouchard La Nation, et jusqu’à quel point il admirait la prise de position séparatiste des frères O’Leary.116 En 1990, Roy résume ses opinions sur la gauche dont il a jadis fait partie. Dans un livre qui prend la forme d’une longue lettre ouverte à Pierre Bourgault, Roy s’en prend à l’ancien président du RIN pour avoir fait quelques remarques positives sur l’immigration. Arrêter le flot d’immigrants est maintenant la première priorité pour Roy, venant même avant l’indépendance.117 Roy critique également Bourgault pour avoir fait partie du gang de fumeurs de pot, de mal engueulés, de bestiaux, de hippies amoraux qui ruinaient le mouvement nationaliste. Imitant la nouvelle droite américaine, Roy insiste sur le fait que les véritables patriotes sont maintenant en guerre contre les féministes, contre la contre-culture et le relativisme culturel. Il décrit les « prétendues réalisations de la ‘Révolution tranquille’ » comme étant « des dévastations irréparables infligées à notre nation »,118 assimilant le rejet des valeurs traditionnelles a une forme de génocide. Dévoilant la vraie nature de son «socialisme», Roy affirme que le capitalisme a aboli la misère matérielle, qui a été remplacée par une pauvreté culturelle.119 Il faut dire qu’ici, le néo-socialisme de Roy ressemble plus au fascisme de troisième voie prônée par la Nouvelle Droite Européenne. Peu importe, il continue à être respecté et appuyé par plusieurs personnes qui sont de toute évidence d’accord avec le constat que l’histoire se construit sur les collectivités nationales et non pas sur les collectivités sociales. Des nationalistes de « renom » comme Gilles Rhéaume et des membres de la Société Saint-Jean Baptiste s’associent à Roy, comme le font certains fascistes n’ayant jamais eu l’illusion de faire partie de la gauche.

LA CONVERSION INDÉPENDANTISTE DU FASCISME

Comme nous l’avons vu, les réactionnaires et les fascistes les plus fanatiques de l’après-guerre s’opposent à l’indépendance du Québec. Peu importe leurs différences d’opinion non négligeables, Robert Rumilly et Adrien Arcand sont tous les deux d’accord pour affirmer qu’un Québec indépendant deviendra un deuxième Cuba. Or, dès les années 1980, plusieurs de leurs héritiers idéologiques souhaitent regagner du terrain, et ceux-ci s’aperçoivent que pour ce faire, ils se doivent de rafraîchir leur discours. Ce qui veut dire non seulement réévaluer le mouvement indépendantiste, mais aussi tirer des leçons des récents développements européens.

Cette nouvelle stratégie est le produit d’une série de groupes de discussion organisés par l’extrême-droite au début des années 80. Le premier d’entre eux, le Groupe d’Études et d’Action (GEA) est fondé sur l’initiative de Mario Gagné et de Rock Tousignant en 1982.120 Ils sont bientôt rejoints par François Dumas, anciennement associé au PUNC. La création de GEA est directement inspirée par le GRECE, une organisation pro-nazie active en Europe avec laquelle Tousignant et Gagné sont en contact depuis un certain temps.121 Attirant des membres de la droite provenant de différentes allégeances, le GEA demeure un groupuscule très peu connu, et se dissout en 1984 quand Mario Gagné et plusieurs membres (incluant Dumas) se joignent au CRI.122

À peu près au même moment, alors que ces fascistes fraternisent avec les « socialistes » de Roy, Dumas demeure en contact avec Tousignant et commence à rencontrer des immigrants français supporters du Front National de Jean-Marie Le Pen.123 Pendant deux années, ils jonglent avec l’idée de mettre sur pied une version québécoise du parti lepéniste. Le résultat concret de ces discussions est un groupe nommé Cercle Jeune Nation (CJN). Le nom « Jeune Nation » rend hommage à une organisation fasciste fondée par Alain de Benoist en France presque trente ans auparavant124 (de Benoist est l’animateur principal du GRECE).

Dumas et Tousignant sont bientôt rejoints par Gilbert Gendron, un théoricien du complot raciste et trésorier d’une librairie d’extrême-droite Lectures Chrétiennes de l’Occident,125 tenue par des personnes proches du PUNC. Cette libraire doit fermer ses portes lorsque son vaste choix de littérature nazie et fasciste est exposé dans les médias.

Au cours de ses cinq premières années, le CJN fonctionne, tel le GEA avant lui, comme un groupe de discussion dont le fondement idéologique est davantage européen que québécois. Désenchanté du statut marginal de l’extrême-droite au Québec, le CJN considère la Révolution tranquille comme étant le plus gros désastre à s’être abattu sur le Canada français. Même si Dumas et plusieurs comparses du CJN se sont déjà convertis à la cause indépendantiste, une stratégie non-sectaire, ayant pour principe « pas d’ennemis à droite », leur permet de travailler étroitement avec des fédéralistes d’extrême-droite qui continuent à voir l’indépendance du Québec comme une ruse communiste.

Le CJN établit des contacts avec d’éminents fascistes européens de même qu’avec des représentants officiels du gouvernement d’apartheid en Afrique de Sud, une prouesse d’autant plus facile puisque Gendron travaille pendant une certaine période au consulat sud-africain à Montréal. Le CJN se crée aussi des ouvertures du côté du cadavre de l’ancien parti duplessiste, l’Union Nationale, du CRI de Raoul Roy, des groupes nationalistes ainsi que des anticommunistes de l’Europe de l’Est et de l’Alliance pour la Justice Fiscale.126 En même temps, toujours par l’intermédiaire de Gendron, le groupe entre en contact avec Citizens for Foreign Aide Reform127 une succursale pro-nazie située dans la banlieue de Toronto qui diffuse entre autres des brochures anti-francophones de l’ Alliance for the Protection of English in Canada.

En 1988, le CJN se met à organiser des tournées de conférences de réactionnaires influents venant de la France. Arnaud de Lassus et Michel Berger d’Action Familiale et Scolaire (un groupe intégriste et pro- Front National) donnent plusieurs communications à Montréal, Sherbrooke, Drummondville et Québec.128 À travers l’organisation de tels événements, le Cercle vient à travailler étroitement avec d’autres réactionnaires, notamment le chanoine Achille Larouche à Sherbrooke, la Société de St-Pie X à Québec et le père Edmond Robillard de la revue Carrefour Chrétien à Montréal.

C’est à peu près à ce moment que l’historien Pierre Trépanier commence à travailler avec le CJN. Grand admirateur de Robert Rumilly, avec qui il s’est lié d’amitié au début des années 70, Trépanier s’avère très utile au Cercle en tant que professeur à l’Université de Montréal. En 1992, il convainc son étudiant Jean-Pierre Dupuis à devenir le rédacteur en chef de son petit bulletin sporadique qu’il transforme très vite en un journal de 40 pages, Les Cahiers de Jeune Nation.129 Le premier numéro fait les manchettes à travers le Québec, car Trépanier signe un article analysant la situation marginale de « la Droite nationale »130 québécoise et propose un remède: l’adoption d’un appui tactique à l’option indépendantiste, sans pour autant rejeter des fédéralistes de droite, ainsi que la création d’un front uni non-sectaire, affirmant que « Le Front national de Jean-Marie Le Pen fournit un modèle à imiter ».131

Pendant que certains répondent à cet appel avec enthousiaste, d’autres lecteurs sont plus circonspects. Lorsque Trépanier contacte la revue l’Espoir proposant une alliance avec ces disciples de Raoul Roy, son rédacteur en chef réplique que la vraie lutte est anti-coloniale et non pas anti-libérale, et que toute association avec des membres de la droite embarrassante nuira à cette cause132 (pour bien comprendre l’hypocrisie ce cette réponse, voir l’encadré sur l’Espoir). Pour sa part, la Ligue d’Action Nationale (toujours une boite de nationalistes plutôt conservateurs, mais qui quand même font un grand effort pour se dégager de leur passé d’extrême-droite) finit par expulser plusieurs membres de CJN à cause de leurs vues politiques.133

L’engagement de ce respectable historien (Trépanier) dans une organisation fasciste en sidère plusieurs, habitués qu’ils sont de ne parler d’extrême-droite qu’en relation avec le passé ou avec de jeunes voyous. Malgré des demandes d’enquête venant des militants antiracistes, l’Université de Montréal ne désavoue pas son professeur, disant qu’il n’a jamais utilisé son poste pour faire la promotion de ses idées politiques. Cependant, Trépanier perd son poste de rédacteur en chef de la prestigieuse Revue d’Histoire de l’Amérique française. Cet affront est néanmoins compensé par la publicité gratuite que le Cercle obtient du fait de la controverse (au moins un quotidien publie l’adresse du groupe).

Pour les années qui suivent l’affaire Trépanier, le Cercle demeure visible malgré moins d’une demi-douzaine de membres actifs. Le Cercle travaille avec de nombreuses organisations raciste et de droite, dont le MIREF d’Yves Ménard, SOS Génocide de Raoul Roy, et le Ralliement Provincial des Parents du Québec (RPPQ) du chanoine Larouche. Les Cahiers de Jeune Nation publient des articles de Dimitri Kitsikis, professeur d’histoire à l’Université d’Ottawa, et aussi de François-Albert Angers, le patriarche du nationalisme québécois. Il y a aussi des collaborateurs d’outre-mer, par exemple Michael Walker et Thomas Molnar, supporters européens du GRECE, ainsi que Gunter Deckert, futur président du crypto-nazi Nationaldemokratische Partei Deutschland. On peut tout aussi bien y trouver des articles savants («J-J Rousseau, père du fascisme» 134) que des conspirations («Le communisme est-il mort?» 135) ou du racisme («Les problèmes des écoles multiculturelles»136)

Les tensions entre certains membres du CJN, absolutistes religieux, d’un côté, et d’autres plus pragmatiques, atteignent leur apogée en 1994, causant le départ de Tousignant et Dumas. Les deux membres fondateurs auraient préféré que Jean-Claude Dupuis fasse davantage attention à la politique et moins aux apparitions de la Vierge Marie. Pour sa part, Dupuis, digne membre de la Société St-Pie-X, refuse de se prosterner devant les préjugés de la rectitude politique du jour. Avec la majorité des autres membres du Cercle derrière lui, il maintient que le groupe doit s’en tenir à ses principes et dire la «vérité», quand bien même cela les dévaluerait auprès de la majorité des Québécois, incluant ceux et celles de la droite.137 Position qui mène à l’effondrement du Cercle qui expire à la fin de 1995, publiant un dernier numéro de ses Cahiers. Alors que certains de ses émules seront attirés par deux nouveaux venus de la scène, l’Action Indépendantiste et le Mouvement pour la libération Nationale du Québec, la plupart resteront liés à la droite catholique.

RUMILLY RÉINCARNÉ: LA DEUXIÈME FOIS, C’EST ENCORE MIEUX!

Comme on l’a vu, Pierre Trépanier, le gourou du CJN, est un grand admirateur de Robert Rumilly. Lors du décès de l’historien fasciste en 1983, Trépanier y va d’un élogieux article biographique dans le prestigieux journal de la Ligue d’Action Nationale.138 Il n’est pas surprenant d’apprendre alors que le programme de la « Droite nationale », proposé par Trépanier en 1992, est adopté point par point par une nouvelle organisation jouissant d’une relation symbiotique avec le CJN : le Centre d’information nationale Robert Rumilly.

Fondée en 1990, ce nouveau CINRR ne cherche pas à conserver les choses telles qu’elles sont, mais préférerait plutôt retourner en arrière. Parmi ses membres, on trouve Gilles Grondin (président d’un petit groupe anti-avortement, Campagne Québec-Vie), Rock Tousignant du Cercle Jeune Nation, le père Edmond Robillard du Carrefour Chrétien et nombre de réactionnaires moins en vue.139 Tous viennent de l’extrême-droite catholique. Le manteau du dirigeant tombe sur Achille Larouche du RPPQ. Le chanoine Larouche était lui-même un membre du premier CIN pendant les années cinquante.

La principale activité du CINRR consiste en l’organisation de conférences traitant de sujets d’intérêt pour les gens de droite. Le père Denis Saint-Maurice de l’Opus Dei explique la position de l’Église sur le contrôle de la population et Jean-Claude Dupuis parle du nationalisme et des États-Unis. Jean-Claude Bleau est invité pour discuter des Chevaliers de Notre-Dame avec des membres du CINRR. Ancien ami d’Adrien Arcand et ex-propriétaire de la librairie raciste Lectures Chrétiennes de l’Occident, Bleau est également le représentant nord-américain des Chevaliers, une organisation religieuse européenne nostalgique de Vichy.140 Peu après sa rencontre avec le CINRR, il se joint au Centre, agissant à l’occasion comme porte-parole.

Au début des années 90, le CINRR publie son programme. Celui-ci est en tout point conforme à celui pondu par Pierre Trépanier dans le premier numéro des Cahiers de Jeune Nation. Ce programme est un excellent exemple de fascisme catholique dans le contexte québécois. L’État a la « mission spirituelle » de défendre et de promouvoir les « caractères chrétiens, occidentaux et français de la nation » et aussi de lutter « contre le mondialisme, qui, sous couvert d’antiracisme, de pacifisme et de tolérance, vise l’uniformisation planétaire, la mort des nations et la fin de la mission spirituelle de l’Occident »141

Au cours des années 1990, le CINRR, le CJN et le RPPQ collaborent étroitement. Pourtant, cette unité n’est pas un signe de force, mais plutôt une marque de faiblesse. Alors que le CINRR n’est pas encore dissout, son programme se révèle incapable d’attirer davantage qu’une poignée d’indéfectibles. Ses principaux efforts de mobilisation politique sont concentrés dans une tentative d’empêcher la laïcisation du système scolaire québécois. Il échoue lamentablement. Il s’attire la risée du public. Les médias le boudent sauf pour rapporter les bizarreries de ses membres.

DES NOUVEAUX RACISTES CONTRE LES PREMIÈRES NATIONS

En 1990, se produisent des événements qui vont constituer le pain béni pour plusieurs organisations racistes au Québec. Ces événements jouent un bien plus grand rôle dans le développement de l’extrême-droite que les prétentions du Cercle Jeune Nation ou bien l’idéologie archaïque du Centre d’Information Nationale Robert Rumilly.

En juin 1990, l’accord du Lac Meech meurt, n’ayant pas été ratifié par plusieurs provinces. En tant que proposition constitutionnelle reconnaissant le Québec comme société distincte, Meech aurait aussi défini le Canada comme une nation  n’ayant que deux peuples fondateurs : les Britanniques et les Français. Malgré le fait qu’ il y a beaucoup de bonnes raisons pour rejeter l’accord, d’autres sont très problématiques. De petites villes canadiennes se déclarent « English Only », des organisations racistes comme le Alliance for the Preservation of English in Canada mobilisent leurs forces et le phénomène croissant de groupuscules anti-francophones donne aux québécois l’impression d’être un peuple assiégé.

1990 est aussi l’année où Jean Ouellette, le maire du village d’Oka, pousse l’arrogance jusqu’à couper quelques arbres afin d’agrandir le terrain de golf municipal. Ce geste soulève l’ire de la communauté autochtone voisine de Kanesetake, qui fait valoir que les arbres en question appartiennent à la Nation Mohawk. Devant l’indifférence du maire Ouellette, les Mohawks établissent des barricades afin de protéger leurs terres.

Le 11 juillet, plus de cent officiers de la Sûreté de Québec attaquent les barricades avec des gaz lacrymogènes, des grenades à concussion et des tirs de balles. Dans la fusillade, le caporal Marcel Lemay est mortellement blessé. Le vent renvoie les gaz lacrymogènes vers les policiers, les forçant à abandonner leurs auto-patrouilles, celles-ci étant rapidement intégrées aux barricades. Alors que la nouvelle de l’assaut se répand, des membres de la Société Guerrière Mohawk prennent le contrôle du pont Mercier à proximité de la communauté Mohawk de Kahnawake, menaçant de le dynamiter si la police tente toute autre attaque.

À Québec, le Parti libéral de Robert Bourassa est au pouvoir, ce qui permet au Parti Québécois de se faire du capital politique sur le dos de la crise. On a le choix entre deux stratégies évidentes, soit : attaquer les libéraux parce qu’ils s’en prennent aux Autochtones, ou les accuser de tolérance face au « terrorisme ». Le PQ, dirigé par Jacques Parizeau, choisit la deuxième option. Traitant les guerriers de « terroristes », Parizeau affirme que s’il était au pouvoir, la police provinciale n’aurait pas attendu si longtemps pour attaquer les barricades autochtones. Il laisse entendre que la crise découle de la campagne anti-francophone amorcée lors des accords du lac Meech.

La descente bâclée et la saisie du pont Mercier provoquent une rapide escalade du conflit. Le pont constitue une artère majeure reliant Montréal aux banlieues de Lasalle et Châteauguay, et des milliers de personnes doivent passer quatre heures de plus quotidiennement pour aller au travail. La situation ne manque pas d’entraîner des réactions carrément racistes. Jour après jour, des manifestations devant les barricades Mohawk dégénèrent en émeutes. Un ancien agent de la SQ met sur pied une organisation, Solidarité Châteauguay, dans le but d’exacerber le sentiment anti-Mohawk. Le local du syndicat des Teamsters d’une brasserie de Lasalle offre de payer les frais légaux d’une poursuite que Solidarité Châteauguay prépare contre les Mohawks.142 À plusieurs reprises, l’animateur de radio Gilles Proulx demande aux citoyens honnêtes de faire quelque chose contre les « terroristes indiens » ; toutes les fois où Proulx se montre à Châteauguay, lui et son équipe portent bien en évidence des t-shirts Solidarité Châteauguay.143 Un manifestant affirme avoir été traité de « fucking frog » par un agent anglophone de la GRC. Cette affirmation jette de l’huile sur le feu. Le policier est aussi accusé d’avoir fait des commentaires à propos de Meech!

Des racistes excités insultent et attaquent quiconque ressemble de près ou de loin à un Autochtone, ce qui veut souvent dire toute personne de couleur. Des propriétaires de dépanneur refusent de servir des Autochtones. Une des attaques les plus violentes se produit lorsque la population de Kahnawake essaie d’évacuer les membres de sa communauté, le 20 août, pendant que l’armée est entrain d’occuper le territoire de la nation Mohawk La SQ garde la caravane de réfugiés autochtones en détention pendant des heures alors que des membres de Solidarité Lasalle—une copie conforme du groupe de Châteauguay—se rendent sur les lieux. Lorsque la caravane reçoit finalement la permission de quitter les lieux, hommes, femmes et enfants ont à traverser un cordon de manifestants enragés qui leur lancent des pierres. Plus d’une quarantaine d’agents de la SQ sont présents sur les lieux, sans lever le petit doigt. Nombreuses sont les coupures créées par des éclats de verre et les traumatismes dus à la violence de l’événement Lors de l’attaque, un des réfugiés subit une crise cardiaque : il meurt à l’hôpital.144

Toute exacerbation dans le sentiment général de démagogie et d’intolérance ne peut qu’alimenter la droite raciste. À Oka, les fascistes du Québec trouvent une parfaite causus belli. Raoul Roy et l’ex-candidat du Parti Indépendantiste Michel Larocque, maintenant dirigeant de la petite section montréalaise du Ku Klux Klan, épient des manifestations de solidarité avec la Nation Mohawk. Ils organisent même à l’occasion des petites contre-manifestations. Le groupe de Larocque distribue aussi de la documentation à Châteauguay,145 dénonçant la « criminalité ethnique », la tolérance du gouvernement face aux Mohawks et se terminant par l’exhortation « Québécois blancs êtes-vous tannés de vous faire manger la laine sur le dos! Joignez-vous à nous, sauvons notre race et notre nation! »

Oka divise la gauche nationaliste. Cet événement est dès le début essentiellement une crise de racisme blanche. Alors que quelques groupes prennent la part des Mohawks, critiquant le PQ parce qu’il n’applique pas sa propre argumentation souverainiste aux Premières Nations canadiennes, plusieurs critiques donnent dans l’équivoque, accusant à la fois les autochtones et le gouvernement. Malheureusement, plusieurs rallient effectivement la cause anti-Mohawk, laissant entendre des « révélations » à l’effet que la Société Guerrière Mohawk est impliquée avec la pègre, antidémocratique, terroriste, etc.

Un partisan « progressiste » du PQ, Robin Philpot, écrit un livre décrivant la Société Guerrière comme la version nord-américaine des Contras Nicaraguayens, suggérant des liens avec la CIA et la GRC.146 Il soutient que les guerriers ont mis en œuvre la crise dans le but de discréditer les Québécois. Tout en admettant que les peuples autochtones fasse l’objet de répression, Philpot affirme que ceux-ci sont mieux traités au Québec qu’au Canada anglais. Son livre se termine avec la prédiction— qui s’est très vite avérée fausse dans des confrontations dans la majorité des provinces canadiennes—que des Autochtones ne prendraient jamais les armes à l’extérieur du Québec.

Néanmoins, point n’est nécessaire d’être nationaliste québécois pour faire la promotion d’un racisme anti-autochtone. Suite à la crise, le fervent fédéraliste François Dallaire publie deux livres, Oka – la hache de guerre et Mon sauvage au Canada : Indiens et réserves. Les autochtones d’avant la Conquête n’ayant supposément pas réussi à tirer profit des ressources du continent, Dallaire demande à qui doit appartenir la terre, « À celui qui l’occupe, ou à celui qui l’exploite? Au chasseur ou au laboureur? À l’occupant ou à l’habitant? »147 Pour ces Indiens futés, « Le truc, c’est de profiter à plein de tout ce que la colonisation européenne a apporté… tout en se présentant comme à la fois victime de cette colonisation.. » écrit Dallaire dans un article d’opinion paru dans Le Devoir148. Utilisant des arguments spécieux à propos du pourcentage de « sang blanc » dans la communauté Mohawk,149 il brandit la menace d’une nouvelle aristocratie canadienne… les peuples autochtones.

La crise se termine presque deux mois après son commencement. Le 1er septembre, l’armée et la SQ prennent les barricades à Kahnawake et à Kanesetake; les guerriers à Kanesetake se réfugient dans un édifice rapidement cerné par les militaires. Les derniers résistants tiennent pendant presque quatre semaines ; à leur sortie du bâtiment, plusieurs sont battus avant d’être emmenés en détention.

La crise est terminée, mais ses cicatrices prendront des années à guérir. Des équipes de hockey mineur de Châteauguay boycottent le complexe sportif de Kahnawake; quelques années plus tard, des joueurs Mohawks de la ligue Pee-Wee font toujours face à des injures racistes, se faisant cracher dessus et appeler « sauvages » lorsqu’ils jouent contre l’équipe de la ville Lasalle.150 Le racisme ne se limite pas aux enfants. En enquêtant sur une secte sujette aux suicides collectifs, la SQ découvre les plans d’une organisation terroriste vouée à la guerre contre les Mohawks. 151 En 1993, des animateurs de radio qualifient toujours les Autochtones de «sauvages»; l’un d’entre eux va même jusqu’à suggérer que des Canadiens Français doivent aller tuer un Mohawk parce que si un tombe, les autres vont s’enfuir en courant.152

En 1991, Roy révèle ses pensées à propos de la conquête des Amériques. Dans un livre intitulé Ces indigènes susdits sauvages153, les Autochtones sont décrits comme cannibales, barbares, sauvages de nom et de fait qui n’avaient même pas pu inventer la roue. Citant la théorie du complot de Philpot qui voit dans les guerriers des agents du gouvernement fédéral, Roy voudrait que les Autochtones soient reconnaissants aux français civilisateurs. Tandis que Roy a déjà qualifié la dispersion des Acadiens francophones d’holocauste, il déclare que l’assimilation et la francisation forcée sont « la seule solution possible » à la question autochtone.

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ENCADRÉ

Luc Potvin & l’Espoir

Vers la fin des années 80 plusieurs nationalistes collaborent à la revue Indépendance, publié par Marc Severson, François Robichaud et Mario Gagné (du défunt Groupe d’Études et d’Action et aussi collaborateur aux Cahiers de Jeune Nation). Indépendance prend soin de faire la différence entre les Canadiens français et les Québécois et, se basant sur des positions élaborées par Raoul Roy, définit la lutte nationaliste comme étant a priori une lutte culturelle. En retenant quelques prétentions anti-impérialistes et progressistes, ces positions amènent ceux qui contribuent à la revue à s’opposer au multiculturalisme et à l’immigration.

Un de ceux qui s’opposent le plus à la diversité culturelle est Luc Potvin. Comme plusieurs des autres proches d’Indépendance, Potvin est un camarade de Raoul Roy, collaborant à la Revue Indépendantiste et devenant vice-président du SOS Génocide, une composante du Carrefour de la résistance indépendantiste mis sur pied par Roy en 1981. Ses articles ont une certaine logique simpliste: observant que des systèmes politiques ont tous des aspects culturels, il affirme qu’il est ridicule que plusieurs cultures différentes soient tolérées dans un même état. Pour lui, ceci est aussi ridicule que d’être sujet à plusieurs différents règlements juridiques ou politiques. « Qui oserait soutenir, par exemple, au sein d’un même État, l’absolutisme monarchique pourrait s’harmoniser avec la démocratie libérale, ou le droit coranique faire bon ménage avec le droit occidental? »1

Comme La Revue Indépendantiste, Indépendance publie son dernier numéro en 1989. Un an plus tard, Potvin sort sa propre revue, / ‘Espoir. Il est maintenant sans ambiguïté: « dans l’esprit du socialisme décolonisateur promu depuis trente ans par Raoul Roy, nous rejetons la lutte des classes et préférons plutôt leur union. »2

Expliquant pourquoi ce «socialisme décolonisateur «ne peut pas s’appliquer aux Premières Nations, Potvin cite Ces indigènes susdits sauvages3, accusant les Autochtones d’avoir été des cannibales et concluant qu’il n’y avait aucune véritable culture ou civilisation au moment de la Conquête, les indigènes n’existant que dans un état de « préhistoire ». On nous assure que «le colonialisme, dont on les prétend avoir été victimes, implique un choc de cultures et de civilisations.»4 Ce n’est pas la première fois que Potvin parle de personnes « sans culture », une qualification abracadabrante quand on remarque qu’il définit la culture comme étant ce qui sépare les humains des animaux.

Potvin semble ignorer le fait que toute langue, tout art, toutes les relations entre personnes se font à l’intérieur des cultures, et ont comme effet de générer la culture humaine. En 1987, il affirme que  » Animal à l’état naturel, l’individu ne devient homme que par l’acquisition de la culture du peuple auquel il appartient; aussi est-ce dans la défense de sa patrie qu’il peut atteindre à la grandeur, car il défend alors ce qui précisément fait de lui et de ses compatriotes des hommes, ce qui les élève au-dessus de ces animaux domestiqués que produit en séries le libéralisme cosmopolite et apatride. »5

Malgré ses opinions, Potvin prend plaisir à se dire « de gauche ». Quand un militant antiraciste révèle les liens de Potvin avec des groupes racistes comme SOS Génocide et le MIREF6, il se défend en affirmant que SOS Génocide n’a aucun lien avec l’extrême-droite et laisse sous-entendre que ni lui ni Roy n’ont aucun lien avec le MIREF7.

Cependant, le chef du MIREF, Yves Ménard, est aussi le meneur du Rassemblement pour un pays canadien-français, un groupe qui fait partie du Carrefour de la résistance indépendantiste de Raoul Roy. Or Potvin est très actif au CRI! De plus, Pierre Saint-Ours du MIREF et membre du Cercle Jeune Nation écrit dans les pages de Indépendance et plus tard dans l’Espoir. Saint-Ours et Ménard sont décrits comme des « sympathisants » de l’Espoir, et en tant que tels participent à des débats publiés par la suite dans ce journal.

Potvin peut faire semblant d’être « à gauche », mais comme dans le cas de son gourou Raoul Roy, il faut voir ce qu’il entend par ce terme. Comme pour Roy, la « gauche » de Potvin n’est pas très différente du «fascisme de gauche» des néo-socialistes européens des années trente et quarante. En fait, les raisons de ce déguisement progressiste sont révélées dans un échange de lettres publiées dans l’Espoir, où Potvin explique à Pierre Trépanier que « peu importe la façon dont on définit la droite, nous considérons que porter cette étiquette nous enlèverait d’emblée ‘les moyens d’inscrire nos idées dans la réalité.’ »8

NOTES
1 « Le multiculturalisme, une imposture! » Luc Potvin, Indépendance hiver 1988, #4-5.
2 L’Espoir hiver 1993 #5 p. 3.
3 Roy, Raoul – Ces indigènes susdits sauvages; Ed. Franc Canada 1991
4 L’Espoir #2 automne 1991.
5 « Pour une coalition populaire antilibérale, » by Luc Potvin, Indépendance hiver 1987 #1-2.
6 « Xénophobie à pleines pages », lettre par André Querry, La Presse 18/1/94.
7 « Mensonges à Plein Lettre, » lettre par Luc Potvin, La Presse 3/2/94.
8 « Une petite mise au point, » une échange entre Pierre Trépanier et Luc Potvin, Espoir #4 automne 1992, p. 60-61.

FIN DE L’ENCADRÉ

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L’INDÉPENDANCE POLITIQUEMENT INCORRECTE

Un important pôle d’attraction pour les nationalistes qui ne sont pas gênés d’afficher leur mépris pour les immigrants, les autochtones et la société multiculturelle se situe dans le journal L’Action indépendantiste du Québec. Depuis 1992, il est édité par Luc Potvin, ex-vice-président de SOS-Génocide, rédacteur en chef de l’Espoir et collaborateur au journal Indépendance (voir encadré, pages 44-45).

Ciblant un public large, L’Action Indépendantiste s’en tient à des articles moins théoriques que ceux de l’Espoir, tout en conservant le même racisme. Toutefois, ce journal se gagne des appuis dans divers milieux, et même chez les nationalistes « progressistes», dont le politicologue de l’Université de Montréal Denis Monière, auparavant de l’Aut ‘Journal; Andrée Ferretti154, ex-dirigeante de l’aile gauche du RIN et du Front de Libération Populaire; et Louise Harel155, une ministre « féministe » du PQ. Nombre de nationalistes qui, comme Potvin, ont milité autour de Raoul Roy pendant les années 80, écrivent dans ce journal, citons par exemple Aurélien Boisvert, Alice Derome et Jean Simoneau. Ces personnes se considèrent peut-être elles-mêmes «progressistes». D’autres collaborateurs, comme François-Albert Angers et Yvon Groulx, sont bien connus pour leurs positions de droite. Ainsi, en 1993, ces deux hommes sont parmi ceux qui votent contre l’expulsion des membres du Cercle Jeune Nation de la Ligue d’Action Nationale.156 D’autres collaborateurs aussi, comme Rosaire Blouin et Léandre Fradet, sont associés avec des catholiques réactionnaires du C1NRR et du RPPQ.

Il est curieux de voir de soi-disant « progressistes » appuyer une publication colportant ce genre d’ethnocentrisme et de xénophobie telles que celles que l’on retrouve dans les pages de l’Action Indépendantiste. Le multiculturalisme, la « rectitude politique » et l’antiracisme y sont constamment condamnés, puisqu’on y prétend qu’un Québec indépendant doit être forcément unilingue monoculturel. Les commentaires de Jacques Parizeau à propos du « vote ethnique » sont défendus au même titre que les œuvres complètes du chanoine Lionel Groulx. Dans un article, le collaborateur régulier Michel Viau fait écho aux propos de Potvin avancés dans l ‘Espoir, se demandant si les Autochtones avaient de véritables cultures et si donc des peuples tellement irrémédiablement préhistoriques appartiennent à de véritables nations.157

De même, Jean Simoneau, qui a collaboré à plusieurs articles pour la Revue Indépendantiste à la tin des années 70, s’exprime en des termes aussi orduriers. Dans le premier numéro de l ‘Action Indépendantiste, Simoneau a écrit que les Autochtones tentent de reconquérir le nord du Québec, et pourront attaquer les installations d’Hydro Québec pour justifier l’intervention de l’armée canadienne.158

Pour sa part, un ancien collaborateur de la Revue Socialiste de Raoul Roy, Jean-Marc Léger signe l’éditorial dans le numéro d’août 1993, dont le titre ne peut être plus clair: « L’Immigration: un comportement suicidaire ». Léger en appelle à une politique favorisant ceux ayant des origines latines et francophones « facilement assimilables »159. La Nation Nouvelle du RPPQ apprécie tellement le texte de Léger, qu’elle le reproduit intégralement.160 Plusieurs autres articles de l’Action Indépendantiste donnent dans cette argumentation, déjà développée par Raoul Roy au temps de l’ASIQ, et soutenue, dans les années 80, par des groupes associés à son CRI, tels SOS Génocide et le MIREF.

Malgré, ou peut-être à cause de ce qui ne peut être décrit que comme une hostilité face aux immigrants, l’Action Indépendantiste bénéficie d’un appui généreux de la part de l’establishment nationaliste. Presque toutes les sections montréalaises de la Société St-Jean-Baptiste, du Mouvement Souverainiste du Québec et la section de Val d’Or de la Société Nationale des Québécois contribuent financièrement au projet. Deux députés du Bloc Québécois, Yvan Loubier et Michel Daviault, achètent de la publicité pour remercier le journal de sa promotion de l’indépendance.161

LE GRAND CHAPITEAU

Si Luc Potvin est un raciste peu connu dont le journal reçoit l’appui honteux de nombreux nationalistes, sa contrepartie médiaphile se trouve dans la personne de Raymond Villeneuve, qui, en décembre 1995, a fondé une organisation « nationaliste radicale » auto-proclamée Le Mouvement pour la Libération Nationale du Québec.

Au mois d’octobre 1995 a lieu le référendum provincial portant sur la souveraineté, où le camp indépendantiste est passé à quelques milliers de voix de la victoire. Sans le vote des immigrants et des anglo-québécois, l’option souverainiste aurait recueilli 60% des scrutins.

Le soir de la défaite, s’adressant à ses troupes au quartier général du camp du « oui », le Premier Ministre Jacques Parizeau rassure son auditoire en insistant que ce n’est qu’un repli temporaire, ajoutant que le camp fédéraliste n’a gagné que grâce à « l’argent et au vote ethnique », un commentaire qui envoie des ondes de choc dans toutes les directions. 162

En peu de temps, le « référendum confisqué » de 1995 surpasse en importance la crise d’Oka pour les démagogues racistes.

Le MLNQ tient sa première assemblée publique le 10 décembre dans un sous-sol d’église. S’adressant à un groupe de près de cent personnes, Villeneuve explique que son groupe combattra les Anglais et leurs alliés «les néo-Canadiens», i.e. les immigrants. On fait circuler une pétition demandant un moratoire sur toute immigration venant au Québec, et des craintes sont exprimées quant au « péril jaune » (i.e. Asiatique) qui envahit Montréal.163

Raymond Villeneuve n’est pas un nouveau venu sur la scène indépendantiste. Un de trois membres fondateurs du FLQ, il fut prisonnier politique pendant cinq ans, au cours des années 60, suite à une action armée au cours de laquelle un gardien de sécurité fut tué. Après sa libération sur caution, il quitte le Canada pour passer seize années en exil en Algérie et en France. Il est responsable de la délégation étrangère du FLQ à Alger, où il rencontre des anti-impérialistes du monde entier. Lors de son retour au Québec, au début des années 80, il se met en contact avec le cercle d’amis de Raoul Roy, qui, comme nous l’avons vu, a su maintenir de bons rapports avec des factions de la gauche nationaliste.

Villeneuve semble prendre un malin plaisir à frapper l’opinion publique. Il se délecte à faire des déclarations fracassantes, par exemple celle où il regrette de ne pas avoir tué plus d’anglophones quand il était membre du FLQ!164 Il prédit que les Juifs paieront cher leur loyauté envers Canada au lendemain de l’indépendance. Les individus et les groupes se mettant en travers sur le chemin du « Québec libre » sont soit des «ennemis» ou des « traîtres » à la nation et doivent, semble-t-il, être traités en conséquence.

Dans le premier numéro de la Tempête, le co-fondateur du MLNQ, Jacques Binette, écrit que les nationalistes doivent « Ne plus être indulgent, poli et tolérant face à la minorité canadienne qui habite le Québec et lui causer le plus de tort possible dans les mois qui viennent » afin de leur donner une leçon pour s’être opposés à l’indépendance.163

Dans les numéros suivants de la Tempête, on publie des listes d’entreprises « Canadian » devant être ciblées de cette manière. La colère du MLNQ n’est pas seulement dirigée contre les petits commerçants: le caricaturiste du Montréal Mirror reçoit des menaces après la publication dans la Tempête, de son numéro de téléphone personnel. Son péché est d’avoir dessiné Parizeau avec un capuchon semblable à ceux des membres du Ku Klux Klan, suite à l’infâme commentaire sur le « vote ethnique».

Paul Biron est un autre membre fondateur du MLNQ. Son frère est Rodrigue Biron, un ancien dirigeant de l’Union Nationale, ainsi que candidat à la chefferie du Bloc Québécois en 1997. Paul s’est impliqué pendant plusieurs années dans le mouvement anti-avortement, se donnant en spectacle à la vigile tenue par Campagne Québec-Vie en octobre 1997: il arrive alors avec un énorme drapeau du Québec et dit à qui veut l’entendre qu’il est là au nom des embryons québécois mais qu’il se fout des étrangers non encore nés. Il fait continuellement le lien entre la notion d’un Québec Français et celle d’une société catholique.166 Ces prises de position réactionnaires ne l’empêchent pas déjouer un rôle majeur dans la Ligue, peu importe les déclarations qu’elle a faites en faveur de l’égalité des femmes.

En dépit de Biron et d’autres catholiques de droite, le MLNQ trouve la majorité de ses appuis sur la simple base d’un sentiment nationaliste romantique. Plusieurs de ses sympathisants sont de jeunes nationalistes, souvent des militants étudiants, qui ont soif d’« action radicale ». Ces «enragés» sont désenchantés du mouvement indépendantiste officiel, non pas parce que ce dernier est xénophobe ou insuffisamment à gauche, mais plutôt parce qu’en devenant respectable, il a perdu le charme sauvage qu’avaient le RIN et le FLQ, et est donc devenu ringard. Pour de tels individus, le MLNQ offre une mystique radicale qui peut facilement se parer d’apparences progressistes.

Pendant quelques années, le MLNQ fait continuellement les manchettes. Les déclarations publiques de Villeneuve en faveur du vandalisme de cibles « Canadian » amènent plusieurs personnes à soupçonner ses membres pour une vague de graffitis nationalistes et de fenêtres brisées dans les quartiers de Montréal ayant une plus grande diversité culturelle. Ses insinuations fréquentes en faveur de la violence politique relèvent au rang de star médiatique. De tels propos sont des anachronismes, et sont en porte-à-faux dans une province ayant un gouvernement officiellement indépendantiste, mais Villeneuve semble prendre un plaisir évident à faire des déclarations à l’emporte-pièce qui ne manque pas de capter l’attention.

Il est assez clair que la stratégie du MLNQ est de faire peur aux fédéralistes pour faire en sorte qu’ils se tiennent tranquilles, ou mieux encore, pour qu’ils aient le goût de quitter le Québec. Des membres se sont désignés comme étant « le plan B des séparatistes », une allusion directe à l’approche anti-indépendantiste « ferme » du gouvernement fédéral, et se plaisent à répéter la formule usée « 101 ou 401. » (La loi 101 prescrit l’affichage unilingue français pour la plupart des entreprises; l’autoroute 401 en Ontario mène à Toronto.)

Grand chapiteau sous lequel toutes sortes d’animaux politiques sont bien accueillis, le MLNQ attire une poignée de gens qui s’entendent de mettre la nation au premier rang. Des réactionnaires invétérés comme Biron se bouchent le nez et travaillent avec un groupe qui met une image de Che Guevara167 sur la couverture de son bulletin et qui publie des communiqués de l’EZLN.168 Luc Potvin signe un article demandant aux nationalistes de fonder leur lutte sur la culture et l’histoire canadienne française au lieu du simple fait de résider au Québec.169 Certains anciens prisonniers politiques proches du FLQ, Real Mathieu170 et Jacques Larue-Langlois171, s’associent au mouvement, tout comme le réalisateur et cinéaste Pierre Falardeau. Jean-Marc Léger collabore à  Tempête, attaquant le « terrorisme intellectuel » avec lequel l’organisation juive B’nai B’rith dénature la mémoire du chanoine Groulx172.

CONCLUSION

En tant que survol d’un petit courant politique du vingtième siècle au Québec, ce texte a nécessairement touché à d’importants développements historiques puisque les mouvements politiques n’existent pas en vase clos: ils ne peuvent donc être compris que dans leur contexte. Qu’il en soit ainsi est normal. Malgré des mutations profondes de la société québécoise, l’extrême-droite ne s’est jamais totalement éclipsée du paysage politique. Au contraire, elle s’est révélée d’une remarquable constance même dans les milieux où elle a évolué.

Comme nous l’avons vu, au cours du long règne de Maurice Duplessis, la plupart des mouvements de droite appuient le système en place. L’Union Nationale, tout en n’étant jamais fasciste, est autoritaire, anticommuniste et populiste et, en tant que tel, est fort appréciée par la droite comme étant le meilleur gouvernement qu’on puisse espérer avoir. Ceux qui aiment à croire que la société québécoise est un camp réactionnaire à l’intérieur du Canada feraient bien de se rappeler que Duplessis a été fidèlement appuyé par la presse anglophone du Québec. L’Union Nationale a été maintenue en place par de richissimes bienfaiteurs et de grandes corporations, en grande majorité de l’extérieur du Canada français. Ces investisseurs étrangers aiment le Québec, une terre de « cheap labour » où les ministres se vantent de la paix sociale régnante.

La modernisation politique du Québec, par contre, est le résultat de développements à l’intérieur même de la société québécoise. Il est sans doute exagéré de qualifier ces changements de révolution, mais il est vrai que la société a été altérée de façon drastique. La classe ouvrière, majoritairement canadienne française, lance les premières attaques contre l’Union Nationale, par les dures grèves à Asbestos et Murdochville. Pourtant, c’est un mélange d’intellectuels, de technocrates et de membres de la petite-bourgeoisie canadienne-française qui inaugurent et contrôlent la Révolution tranquille sous le gouvernement libéral de Jean Lesage en 1960. Malgré les divagations de Robert Rumilly, ces développements n’ont jamais été le fait de communistes ou d’agitateurs externes, mais bien le résultat de l’expérience canadienne française.

Si la vieille garde de la droite s’est fragmentée et démoralisée à la mort de Duplessis, ce n’est pas parce que le premier ministre était fasciste, mais simplement parce que ces fascistes l’avaient appuyé avec vigueur. Le Centre d’information  nationale a fait campagne contre la modernité, mais sans effet: les changement sociaux, culturels et économiques furent tels que le petit groupe d’élitistes s’est trouvé à contre courant. Quand le PUNC d’Adrien Arcand met la faute sur les Juifs, il s’isole de plus en plus. Les séparatistes de droite de l’Alliance Laurentienne ont été récupérés et occultés par le mouvement indépendantiste de gauche tellement plus populaire et militant…

Si le changement social a bouleversé l’extrême-droite, un manque de radicalisme à gauche a pavé la voie pour un renouveau de l’extrême-droite. C’est un cliché de dire que les extrêmes de la gauche et de la droite se rejoignent, et on pourrait être tenté de tirer cette conclusion du malheureux cas de l’Action Socialiste pour l’Indépendance du Québec et de son animateur Raoul Roy. Ce que ces pessimistes ignorent, c’est le fait que Roy a toujours représenté une frange conservatrice du socialisme —ce n’est que lorsqu’on le compare à des fascistes auto-proclamés comme Raymond Barbeau qu’il ressemble à un révolutionnaire de gauche. Dès ses débuts, l’ASIQ est critiquée par d’autres gauchistes qui, par exemple, le prend à partie pour ses attaques contre les immigrants. Au milieu des années soixante, l’ASIQ en appelait à une alliance tactique avec la bourgeoisie canadienne française contre tous les ennemis de la nation, soit des nationalistes à l’esprit trop large ou des travailleurs immigrants ou anglophones. Les attaques subséquentes de Roy envers la gauche rappellent celles de la droite chrétienne : la culture de la drogue, l’immoralité et même les sacres sont honnis.

En 1969, alors qu’il purgeait une peine de prison découlant d’actes posés en tant que membre du FLQ, Pierre Vallières a condamné « un nationalisme fanatique » qui ne sert qu’une élite avide de pouvoir. Il fit une mise en garde contre les « fascistes notoires » étaient à l’oeuvre au sein du mouvement séparatiste, et il s’inquiétait du fait qu’un Québec indépendant puisse finir par ressembler davantage au Portugal de Salazar qu’au « Vietnam auquel plusieurs croyaient encore173.

Si, pendant les années 60, Roy pouvait compter sur peu de sympathie du cénacle du pouvoir, le nouveau mouvement nationaliste allait donner naissance à un establishment nationaliste, et, en temps et lieu, le néo-socialisme de Roy allait avoir beaucoup plus d’influence que les divagations d’Adrien Arcand. Tout autant insidieuse du fait de ses idées gagnent une frange du mouvement nationaliste. Alors que le Parti Québécois n’est pas l’Union Nationale, ces deux partis ont bénéficié de l’appui de fascistes et de racistes et aucun n’a jamais répudié ces alliés d’une façon claire et nette. Il nous incombe de nous rappeler qu’ au même titre que dans la période de Duplessis, tout large consensus de la droite ne peut qu’avoir des répercussions néfastes sur le bien-être des exploité-es, des marginaux et marginales et des « étrangers ».

Le Québec n’est pas une société fasciste en 2000, pas plus qu’il ne l’était en 1968,1958 ou 1938. Or, il y a toujours eu des militants politiques fascistes dans cette province et dans les années 90 le racisme est devenu monnaie courante dans le discours politique. Quoi qu’il en soit, pour plusieurs c’est du déjà-vu, c’est ennuyant, impertinent et il ne vaut même pas la peine d’en parler. D’ex-gauchistes s’amusent en accusant les Autochtones et les communautés immigrantes d’être des ennemis des Québécois de souche. Que ce racisme ne soit pas vertement critiqué est honteux. Ce qui est pire, c’est que plusieurs de ces démagogues sont toujours considéré-e-s comme étant à gauche.

Ce serait une grave erreur de conclure, comme certains le diront, j’en suis conscient, que le mouvement nationaliste Québécois est fasciste de façon inhérente. Pendant les années soixante, des indépendantistes de gauche ont aidé la société québécoise à se débarrasser de l’emprise de la droite. En même temps, la position soutenue par plusieurs souverainistes de gauche, à savoir que le nationalisme réactionnaire sera désamorcé par la séparation, semble être tout à fait injustifiée. Pire, cette position atténue la gravité et l’étendue du racisme dans notre société.

Le racisme et le fascisme demeureront des appuis utiles à la bourgeoisie tant qu’il y aura des opprimés et des oppresseurs. L’antidote aux tendances racistes et fascistes ne se trouve pas dans l’indépendance, ni dans la confédération, mais plutôt dans un antiracisme et un anticapitalisme bien sentis, sans exception.

NOTES

ANQCRR: Archives nationales du Québec, Collection Robert Rumilly

UCAA: Université Concordia, Collection Adrien Arcand

 

1 II est important de noter que ce nationalisme ne s’opposait normalement pas à la Confédération; il n’était pas séparatiste. Profondément conservateur, ce qu’il proposait n’était pas une rupture du Canada mais un partenariat plus équilibré entre les Canadiens-Français et les Britanniques. Un tel nationalisme non-séparatiste est souvent appelé autonomisme. Oliver, Michael The Passionate Debate Véhicule Press 1991.

2  « Les années 30 la première Révolution tranquille » par Fernand Dumont dans Idéologies au Canada français 1930-1939 les Presses de l’Université Laval 1978.

3 Rome, David – The Immigration Story 1; Canadian Jewish Archives 1986, p. 30.

4 Avakumovic, Ivan – The Communist Party in Canada: a history; McClelland & Stewart 1975, pp. 34-5.

5 L’association des immigrants au militantisme révolutionnaire ne se limitait pas plus aux Juifs qu’au Québec. Après la grève générale de Winnipeg en 1919, le gouvernement conservateur fait passer une loi facilitant la déportation d’immigrants agitateurs. Des centaines d’animateurs ouvriers sont déportés en vertu de cette loi dans les années qui suivirent.

6 « Vers un super-état judéo-maçonnique, » Louis Even, Vers Demain Première Année 1939-40, ed. Vers Demain.

7 Lévesque, Andrée – Virage à Gauche Interdit; Boréal Express 1984, p. 128.

8 Hamelin, Jean & Gagnon, Nicole – Histoire du catholicisme québécois, Le XXe siècle, Tome 1, 1898-1940; Boréal Express 1984, p. 378-9.

9 Lévesque op cit. p. 138

10 Hamelin op cit., p 139

11 Lévesque op cit. p. 139

12 Larose, Michèle – Les Jeunesses Patriotes et La Nation: un courant politique d’extrême-droite au Québec, 1934-1939; thèse de maîtrise, Université du Québec à Montréal 1986, p. 36.

13 Oliver op cit. p. 168.

14 Larose, op cit. p. 138.

15 Ibid., p. 139.

16 Revue Indépendantiste #22-24 (L’indépendantisme des années trente), p. 38.

17 Oliver op cit. p. 141.

18 Robin, Martin – Spectre de la droite histoire des politiques nativistes et fascistes au Canada entre 1920 et 1940 traduit par Hélène Rioux et Christine Lavaillé; Balzac-Le Griot 1998, p. 163.

19 Ibid. pp 162-163

20 « Adrien Arcand; un Nazi au pays des siffleux », Ed. Bourassa, La Nation 18-3-1937.

21 Robin op cit. pl27

22 Ibid.p103

23 Ibid.p104

24 Ibid. p137

25 Dans ce texte, le terme « ultramontains » est utilisé pour décrire les catholiques de droite accrochés aux enseignements de Rome.

26 Ibid. p177

27 Betcherman, Lita-Rose – The Swastika and the Maple Leaf: Fascist Movements in Canada in the Thirties; Fitzhenry & Whiteside 1975, p. 35

28 Oliver op cit. pp. 189-190

29 Lévesque op cit. pp. 132-133.

30 « Pas Nazis, juste patriotes et corporatistes », Commission #1 nov-dec 1996, p. 5.

31 AAC, #538-550, « Mémorandum and Request re: Claims of Canadian Nationalists against the Government of Canada for unjust internments » 1957.

32 Revue Indépendantiste #22-24 (L’indépendantisme des années trente), p.4

33 Ibid., p. 39.

34 Lavertu, pp.49-50

35 Ibid., p. 48

36 « La Politique », La Droite v1 #2.

37 Lavertu op cit., p49

38 Ibid.

39 Delisle, Esther – Myths, Memories and Lies Robert Davies 1998, pp 45-55. Cette liste inclut des têtes dirigeantes du mouvement nationaliste du Québec à l’époque. Aux côtés de Paul Bouchard, Lionel Groulx et Pierre Gravel, on retrouve les noms de J.E. Grégoire, l’ancien maire de Québec qui avait fait le recommandation que ses électeurs lisent le journal pro-Nazi d’Adrien Arcand Le Patriote, Philippe Hamel et Oscar Drouin du Parti National d’avant-guerre; nombre d’autres dirigeants nationalistes. En fait, c’est plutôt le sujet commun du nationalisme que celui du fascisme qui relie les noms sur la liste des Gardes de Fer du département d’État. Ce fait en a amené certains à se questionner sur l’authenticité du document. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’aucun groupe de nom de Gardes de Fer n’a joué un rôle public dans l’extrême-droite québécoise, à aucun moment durant ou après la guerre, si ce n’est que lorsque des vétérans de la Garde de Fer Roumaine ont établi boutique ici durant la Guerre Froide (mais ceci est une autre histoire).

40 Sœur Béatrice-du-Saint-Sacrement, F.C.S.C.J. – Bibliographie Analytique de l’œuvre de l’Abbé Pierre Gravel 1917-1941; École Normale Notre-Dame-du-Sacré-Cœur, pp. 1-2.

41 Oliver op cit. p.89; pour un compte rendu de cette affaire d’une perspective de droite, voir « Maurras, l’ ‘Action Française’ et le Canada français » Pierre Guilmette, Cahiers de Nouvelle France, jan.-mars 1957.

42 ANQCRR, P303, S6, SSII, D1, Petain.

43 Lipstadt, Deborah – Denying the Holocaust: The Growing Assault on Truth and Memory; Free Press 1993, pp. 67-71.

44 ANQCRR, P303, S6 ,SS11 ,D1, Crucifying the Saviour of France: France s New Dreyfus Case.

45 « Comité américain pour la libération de Pétain » Le Devoir 29-8-45

46 ANQCRR, P303, S6 ,SS11 ,D1

47 Lavertu op cit p.56.

48 ANQCRR, P303, S6 ,SS11 ,D1. Rumilly était en contact avec Pétain, par l’intermédiaire de son ami Maurice Vincent, qui avait fait le voyage en France en 1946 et établi le contact avec la femme de Pétain et des avocats.

49 « L’hommage d’un historien, » Robert Rumilly, Vers Demain 15 août 1945

50 ANQCRR, P303, S6 ,SS9, Dl/13 194?.

51 Lavertu, p. 58.

52 Ibid., p. 56.

53 lbid., p. 22.

54 Ibid., pp. 29-30.

55 lbid.,p.75.

56 lbid., pp. 101-103.

57 Lavertu p. 79.

58 Ibid., p. 87-88.

59 Côté, Jean – Adrien Arcand: une grande figure de notre temps, ed. Pan-Am 1994, p. 20. Il est à noter que ce livre est une hagiographie antisémite d’Arcand, l’auteur étant lui-même un nationaliste d’extrême-droite.

60 « Québec: Fascist Revival » Newsweek 24/11/47.

61 AAC, #1220, #1279, #1282, #1325; correspondence between B. Domville and A. Arcand 1950.

62 « Drapeau nous honore », L’Unité Nationale p. 643

63 UCCAA, doc. #527. Lettre de Rémi Paul à A.A.

64 UCCAA, doc. #528

65 UCCAA, doc. #1154, lettre de G. Valade à A. Arcand 9/5/58.

66 UCCAA, doc. #1142-1146, lettre de A. Arcand à J. Barrette 1/8/63.

67 UCCAA, doc. #1840-1, lettre de J.M. Bourbonnais à A. Arcand 17/10/62.

68 UCCAA, doc. #626-627, lettre de G. Panneton à A. Arcand 15/3/63.

69 UCCAA, doc. #589, lettre de A.Arcand à Norfleet 17/11/1961.

70 « Yockey: Profile of an American Hitler » par John C. Obert, The Investigator Oct. 1981.

71 UCCAA, doc. #623-624, lettre de M.Bandi à AArcand 21/1/63 & 31/1/63.

72 « Arcand – Canadian Nationalist – a Modem Martyr » The Cross and the Flag Oct. 1948.

73 UCCAA, doc. #914, lettre de G.L.K. Smith à A. Arcand 5/2/49.

74 UCCAA, doc. #533, lettre de R. Maguire à A. Arcand 5/10/57.

75 UCCAA, doc. #1283-1284, lettre de C. Jordan à A. Arcand 6/5/50.

76 Il s’agit toutefois d’un élément majeur qui ne devrait pas être ignoré par les antifascistes. On trouvera un excellent survol de cette question par rapport au camp nationaliste du Québec dans « Pas Nazis, juste patriotes et corporatistes » et « Le nouveau visage du corporatisme québécois: économie sociale ou contrôle social? » dans Commission #1 nov-dec 1996.

77 ANQCRR, P303, S6, SS16/2.

78 Dion, Gérard & O’Neill, Louis – Le chrétien et les élections, Ed. De l’Homme 1956.

79 « Robert Rumilly et la fondation du Centre d’information nationale (1956) » Pierre Trépanier, Cahiers des Dix, 44 (1989), p. 238. Il est à noter que l’auteur de cet article est lui même un fasciste.

80 Ibid., pp. 244-5.

81 « Robert Rumilly, historien engagé, » Pierre Trépanier, Action Nationale LXXIII (sept. 1983), p. 26.

82 Delisle op cit. p.113

83 « La propagande communiste continue de plus belle à Radio- Canada… à nos frais, » Robert Rumilly, Nouvelles Illustrées 12/3/60.

84 « Du séparatisme québécois » Jacques Baugé Prévost, Science Politique #6 1969. Je dis « probablement » parce que Baugé-Prévost, lui-même le gourou de la minuscule secte nazie-païenne au Québec, mentionne ce fait dans un exposé contre l’Alliance Laurentienne, qu’il considérait certainement être un organisation rivale.

85 « Révolution Nationale », Gérard Gauthier, Laurentie #102 nov. 1957, pp. 128-161.

86 UCCAA, doc. #308-9, lettre de R. Barbeau à A. Arcand 17/1/56.

87 Ibid.

88 UCCAA, doc. #439.

89 « Du séparatisme québécois » op cit.

90  » ‘Triadisme’ = ‘Chrétienté’ « , A. Dagenais, Salaberry de Valleyfield 7/8/58.

91 « Lettre ouverte à M. André Dagenais; Des théories irréconciliables, » R. Barbeau, Salaberry de Valleyfield 21/8/58.

92 « Propositions Programmatiques de la Revue Socialiste », Revue Socialiste v1 #1 printemps 1959, p. 19.

93 « Le duplessisme de R. Rumilly et l’indépendance économique, » Roger Beausoleil, Revue Socialiste #4 été 1960, pp. 38-39

94 « Propositions Programmatiques… » loc cit., p.32

95 Ibid., p. 33

96 Roy, Raoul – Le Génocide en Vitesse/Lettre à Pierre Bourgault: moi aussi je m’en rappelle! Ed. Du Franc-Canada 1990, pp. 97-101.

97 « De Hal Banks à Gérard Pelletier, » Revue Socialiste #2 1959, p. 25.

98 « Est-ce la haine qui peut guérir? », Gérard Pelletier, Le Travail 26/6/59.

99 « Les immigrants, ennemis ou alliés potentiels » Michel Bourhis, Révolution Québécoise #6 fev 1965

100 Fournier, Louis FLQ: The anatomy of an underground movement; NC Press Limited Toronto 1984, pp. 28-30.

101 Laurendeau, Marc – Les Québécois Violents; Boréal Express 1974, p. 53.

102 Fournier op cit. p. 17.

103 « Aux camarades de Parti Pris », Jean Rochefort, Révolution Québécoise #3, printemps 1964.

104 Fournier op cit. pp. 75-78.

105 Ibid, pp. 89-99.

106 Vallières, Pierre – Nègres blancs d’Amérique; Parti Pris 1968, p. 315

107 L’Indépendantiste #2, June 1966 p. 10

108 L’étude la plus connue sur le néo-socialisme est Ni droite ni gauche : l’idéologie fasciste en France par Zeev Sternhell (Seuil 1983). On a accusé Sternhell d’exagérer l’influence «gauchiste» sur le fascisme français. Pour situer les choses dans leur contexte et analyser le contenu profondément de droite dans le discours fasciste français, voir Le fascisme français, 1924-1933 par Robert Soucy, traduit par Francine Chase (Presses universitaires de France, 1989).

109 Roy, Raoul – Marxisme : mépris des peuples colonisés? Ed. Franc-Canada 1977, pp. 64-5.

110 Roy, Raoul – Lettre aux Juifs de Montréal; Ed. Franc-Canada 1979.

111 Ibid., p. 211.

112 Ibid., p. 107-108.

113 Ibid., p. 201.

114 « Gagnon-Tremblay dénonce la xénophobie d’un nouveau mouvement autonomiste, » Jean-Pierre Bonhomme, La Presse 15/2/90.

115 « Un candidat défait du RSC militait dans un groupe d’extrême-droite, » Michèle Ouimet, La Presse 16/12/94.

116 Revue Indépendantiste #22-24 (L’indépendantisme des années trente)

117 Roy, Raoul – Le génocide en vitesse…, p. 82.

118 Ibid., p. 25.

119 Ibid., pp. 80-81.

120 « Quelques jalons pour l’histoire d’une organisation nationaliste de droite au Québec, » François Dumas, Cahiers de Jeune Nation #2, juillet 1992, pp. 7-8.

121 Ibid., p. 6.

122 Ibid., pp. 8-9.

123 « Quelques jalons pour l’histoire d’une organisation nationaliste de droite au Québec, » François Dumas, Cahiers de Jeune Nation #3, p. 20.

124 Ibid.

125 Ibid., p. 21.

126 Ibid., p. 23.

127 Le C-FAR a publié deux pamphlets de Gendron, The Viet-Cong Front in Québec et The Immigration Threat to Québec.

128 « Quelques jalons pour l’histoire d’une organisation nationaliste de droite au Québec, » François Dumas, Cahiers de Jeune Nation #3, p. 23.

129 « Bilan des Cahiers de Jeune Nation, » Jean-Claude Dupuis, Cahiers de Jeune Nation #12 sept. 1995, p. 42.

130 Dans le deuxième numéro des Cahiers de Jeune Nation, on explique que « Droite Nationale » est utilisé au lieu d’« extrême-droite » pour des raisons tactiques.

131 « Une doctrine pour la droite? » Pierre Trépaniez Cahiers de Jeune Nation #1 avril 1992, p. 3.

132 « Une petite mise au point, » un échange entre Pierre Trépanier et Luc Potvin, L’Espoir #4 aut 1992,

133 « L’Action Nationale et l’affaire Jeune Nation, » Jean-Claude Dupuis, Cahiers de Jeune Nation #6 oct 1993, p. 6.

134 « J.J. Rousseau, le père du fascisme, » Dimitri Kitsikis, Cahiers de Jeune Nation #11 juin 1995, p. 14.

135 « Le communisme est-il mort? » Gilbert Gendron, Cahiers de Jeune Nation #10. 1995, p. 12.

136 « Les problèmes des écoles multiculturelles, » par un professeur anonyme, Cahiers de Jeune Nation #3 nov. 1992, p. 30.

137 « Dieu Premier Servi, » Jean-Claude Dupuis, Cahiers de Jeune Nation #10, jan. 1995.

138 « Robert Rumilly, historien engagé, » Pierre Trépanier Action Nationale LXXIII (sept. 1983), p. 26.

139 « Qu’est le Centre d’Information Nationale, » Nation Nouvelle, date inconnu (1991).

140 Monzat, René et Camus, Jean-Yves – Les droites nationales et radicales en France, presses universitaires de Lyon, 1992, pp. 372- 373.

141 « Une doctrine pour la droite » op cit. pp. 11-12.

142 « Les Teamsters financeront le recours collectif contre les Mohawks, » Pierre Bellemare, La Presse 18/9/90.

143 Champagne, Estrelle – Les Évènements de l’été 1990 d’Oka et de Kahnawake au Québec: Autopsie d’une crise à travers La Presse française, suisse, anglosaxonne et les médias canadiens; Université Charles de Gaulle Lille 3 nov. 1995, pp. 55-61.

144 Lamarche, Jacques -L’Été des Mohawks; Stanké 1990 pp. 139-141.

145 « Le KKK est «monté aux barricades» pour distribuer des tracts » Marie-France Léger, La Presse 31/8/90.

146 Philpot, Robin – Oka: dernier alibi du Canada anglais; VLB éditeur 1991.

147 Dallaire, François – Oka – la hache de guerre; Éditions La Liberté 1991, p. 69.

148 « Indiens du Canada: les Koweitiens du Nord, » François Dallaire,. Le Devoir 22/12/92.

149 Dallaire op cit. p. 59.

150 « Propose goodwill handshake before Lasalle-Kahnawake games, » Aaron Derfel, The Montréal Gazette 9/11/95.

151 « Oka aurait pu vivre une autre crise, » Richard Hétu and Martin Pelchat, La Presse 2/4/93.

152 « Radio station apologizes to aboriginals, » Alexander Noms, The Montréal Gazette 17/5/94.

153 Roy, Raoul – Ces indigènes susdits sauvages; Ed. Franc Canada 1991

154 « Andrée Ferretti rend hommage à Lionel Groulx, » L’Action indépendantiste v2 #2 avril-mai 1994.

I55 Ibid.

156 « L’Action Nationale et l’affaire Jeune Nation, » op cit. p. 7.

157 « Avant quelles élections, la prochaine crise amérindienne: fédérales ou provinciales? » Michel Viau, L’Action indépendantiste #6 aout-sept. 1993.

158 « Bourassa vend le Québec? » Jean Simomeau, L’Action indépendantiste #1 sept. 1992, p. 4.

159 « L’immigration: un comportement suicidaire, » Jean-Marc Léger L’Action indépendantiste v1 #6 août 1993.

160 Nation Nouvelle v3 #2 sept-oct 1993

161 « Les vraies couleurs du nationalisme territorial, » Commission #2 fév.-mars 1997 pp. 10-11.

162 Avant le référendum, des nationalistes de gauche tels que Pierre Bourgault et des cadres de l’Aut’journal se sont unis à d’autres nationalistes tel Michel Viau et l’Action Indépendantiste afin d’avertir les gens des conséquences désastreuses qu’entraînerait une défaite souverainiste causée par des électeurs non-francophones. Le chansonnier Raymond Lévesque a soumis une proposition à la Commission sur la Souveraineté voulant que les immigrants n’aient pas le droit de vote au référendum. Après le 15 octobre, des nationalistes tels que la ministre du PQ Louise Harel et le député du Bloc Québécois Roger Pomerleau, pour ne donner que ces deux exemples, ont fait écho aux affirmations de Parizeau, blâmant les immigrants pour la défaite.

163 « La ligue du vieux poêle, » Loïc Vennin, Voir 14-20 déc. 1995.

164 « Le leader du MLNQ aurait « aimé tuer plus d’Anglais » », Marc Thibodeau La Presse 12/7/97.

165 « Pour en arriver à faire du Québec un pays plutôt que de gérer un état provincial, » Jacques Binette, La Tempête #1.

166 « La menace des pantouflards, » J, Jacques Samson, Le Soleil 18/12/95.

167 La Tempête #10 oct. 1996 & #22 oct 1997.

168 « Deuxième déclaration de La Realidad pour l’humanité et contre le néolibéralisme, » CCRI-EZLN, La Tempête #17 mai 1997.

169 « Le nationalisme québécois est culturel » Luc Potvin, La Tempête #22 oct. 1997.

170 Vennin op cit.

171 « À la défense de Raymond Villeneuve – dénigrement et salissage, » Jacques Larue-Langlois La Tempête #15 mars 1997

172 « La chasse aux sorcières de l’organisation B’nai B’rith, » Jean-Marc Léger, La Tempête #13 jan. 1997, p. 9.

173 Vallières, op cit. pp. 325-329

 

4 replies »

    • C’est une des raisons pourquoi j’ai pris le temps de numériser cette brochure. Bien content si ça peut être diffusé le plus possible (j’espère dans les milieux de gauche)!

  1. A reblogué ceci sur Secours Rouge Canadaet a ajouté :
    Une analyse antifa suffisamment en profondeur sur l’histoire et les sources du mouvement fasciste et d’extrême-droite droite au Québec pour mieux en comprendre les développements et les fondements sur lesquels il s’appuie.

    « Au Canada, le Québec est unique. La seule province à majorité francophone dans un pays officiellement bilingue ne doit son état pas seulement aux conquérants britanniques du Nouveau Monde, mais aussi à leurs rivaux français.

    L’Église catholique romaine détient un pouvoir incroyable au Québec depuis le dix-septième siècle, alors que l’homme blanc appelle ce pays Nouvelle-France. L’invasion britannique qui suit la colonisation française ainsi que l’expulsion définitive de la France du continent ne diminuent en rien l’autorité de l’Église; dès que les évêques ordonnent aux paysans d’obéir à leurs nouveaux maîtres britanniques, leur pouvoir est assuré.

    Pendant qu’en France la révolution de 1789 achève les privilèges de l’Église et de la noblesse, une sorte de féodalisme persiste ici jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle. »

  2. J’ai cherché pendant plusieurs années pour savoir la vérité sur certains morceaux d’histoires au sujet de Drummondville qui ont été cachés, effacés ou « détruits »; certains détails semblaient être des marques du passage de nazis… une bonne partie des archives de la ville est classée top secret! Malgré cela, je poursuis ma quête de vérité personnelle…

    Si cela t’intéresse, tu peux lire sur aetna chemicals (la poudriere) et le relais communication US/Europe que fut la marconi

    Ton article m’a fait beaucoup de bien; je te remercie!

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