Texte écrit par Jaouad Laaroussi – merci d’avoir accepté de le partager ici.
L’année 1885 est marquée par une importante épidémie de variole à Montréal, épidémie, dont la prise en charge par la ville de Montréal entraîne à l’automne une insurrection contre la vaccination et les mesures sanitaires. Le 28 septembre, un millier de manifestant.es partent des faubourgs de l’Est de la ville et se dirigent vers l’Hôtel de ville en prenant Sainte-Catherine. Ils attaquent pharmacies, bureaux et résidences de médecin le long de leur parcours. Une fois arrivée à l’hôtel de ville la foule caillasse la bâtisse détruisant quelques vitres au passage. La police de Montréal est dépassée! Le chef de police, lui même, est blessé dans les échauffourées. L’armée est appelée en renfort afin de remettre en ordre la ville de Montréal. Dans les jours suivant leur arrivée quelques escarmouches éclatent encore entre les agents et la foule de manifestant.es.
Cette émeute, une des plus importante à avoir affecté Montréal dans la seconde moitié du XIXe siècle est instructive pour les moments qui nous tourmentent aujourd’hui. En effet, déjà à l’époque on pouvait développer une interprétation compréhensive de l’émergence du mouvement «anti-vaccin» tout en étant critique de se direction idéologique et politique.
Le discours anti-vaccin était entre autre porté à l’époque par l’Église catholique qui voit dans la sécularisation de la médecine une menace au pouvoir temporel de celle-ci. Le courant ultramontain, alors idéologiquement important au Québec, affirme ainsi la primauté du pouvoir papale sur la vie publique et s’oppose aux idéologies républicaines et laïcs. Dans ce contexte, la résistance à la vaccination est influencée par une idéologie réactionnaire et anti-moderniste, idéologie qui va marquer l’histoire politique du Québec tout le long du XIXe siècle et le début du XXe siècle.
On pourrait regarder ce mouvement émeutier uniquement à travers la critique de l’idéologie réactionnaire de l’élite ultramontaine. Toutefois le libéralisme autoritaire qui caractérise la gestion de la pandémie explique aussi la réaction des foules. Au XIXe siècle, le système hospitalier est encore balbutiant et la naissance comme la mort ne sont pas séparées de la vie quotidienne et se vivent à la maison. Ainsi, lorsque le bureau de l’hygiène tente d’isoler les enfants variolés loin de leurs familles, celles-ci résistent. Ce sera le cas d’un père de famille qui se fera tirer par la police sanitaire en tentant de les empêcher de prendre de force son fils infecté à la variole. Cette conception autoritaire de la santé publique où l’État impose à travers son pouvoir régalien des mesures sanitaires se heurte nécessairement à des formes de résistances à l’État moderne alors en formation.
Cette tension entre la critique de l’État moderne et sa conception autoritaire de la santé publique, d’un côté, et le contenu réactionnaire du programme idéologique des foules anti-mesures sanitaires, de l’autre, est encore active aujourd’hui dans le mouvement des « truckers ».
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