AIT

La CNT-AIT espagnole : contre vents et marées (2021)

Déclaration sur les poursuites contre la CNT-AIT

Traduction en français par le journal Liberté Ouvrière

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CNT-AIT: Against all odds

Leer en español – original
CNT-AIT: Contra viento y marea

Comme une partie du mouvement libertaire le sait déjà, la CNT-AIT espagnole fait face depuis plusieurs années à une tentative d’étouffement par une organisation qui se dit « anarcho-syndicaliste » et qui revendique également le nom de CNT espagnole. Les individus et les groupes anarchistes qui ne se réclament pas de l’anarcho-syndicalisme voient une telle situation avec une certaine suspicion, avec scepticisme et même avec un peu d’ironie. Certains pensent que c’est absolument ridicule qu’il y ait, suite à une « scission », « deux CNT » irréconciliables en Espagne se livrant en plus une  »guerre de nom », luttant l’une contre l’autre pour une identité historique, laissant ainsi de côté les véritables questions sociales et politiques auxquelles l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme doivent faire face.

Nous nous retrouvons devant la nécessité de démentir l’idée d’une ‘’guerre de nom’’ et d’expliquer ce qui se passe au sein de l’anarcho-syndicalisme tant dans l’État espagnol qu’au niveau international. Afin de ne pas accabler ceux qui lisent cette déclaration, nous éviterons d’énumérer exhaustivement tous les abus, les utilisations malhonnêtes d’eaccords et de règles organisationnelles, les scandales, la corruption et les agressions qui se sont déroulés au cours de ces dernières années. Nous avons voulu parler uniquement des questions centrales, sans entrer dans les détails. Nous sommes conscients que nous devons, de notre côté, travailler à rendre visible toutes ces attitudes embarrassantes et intolérables. Par conséquent, le but de ce texte n’est pas de plonger ceux qui le lisent dans une mer de données, de dates et de noms, puisqu’il existe de nombreux documents écrits qui expliquent ce qui se passe depuis le début de cette affaire, avec plus ou moins de détails. Ces documents seront repris afin de les rendre plus accessibles à ceux qui s’y intéressent. L’objectif de ce communiqué est de faire le point sur le mouvement anarchiste actuel et de lancer quelques réflexions afin que, si cela est jugé pertinent, tous les camarades puissent évaluer par eux-mêmes ce qui se passe et se positionnent sur le sujet.

La CNT-AIT espagnole a toujours travaillé en assemblée et de manière horizontale, au sein de sa structure de confédération syndicale et en tant que section de l’AIT également. Cela signifie que les comités locaux, régionaux et nationaux, qui ne sont rien d’autre que des groupes de camarades chargés de coordonner les activités à différents niveaux, n’ont aucun pouvoir de décision au-delà des accords d’affiliation. Les décisions prises au sein de la Confédération partent directement de la base des différents syndicats et s’élèvent jusqu’au niveau national. Pour ce faire, chaque militant-e de la CNT-AIT est sensibilisé-e et peut prendre part à tout ce qui se passe au niveau confédéral (tel que les statuts le promeuvent et le renforcent). Si ces Comités étaient les décideurs pour le reste des syndicats et des militant-e-s, nous serions face à une structure verticale et autoritaire sans aucun rapport avec les principes d’horizontalité et de non-délégation de l’anarchisme et de l’anarcho-syndicalisme.

C’est l’un des principaux enjeux de la regrettable situation actuelle. Le Comité confédéral et les secrétariats de la CNT-AIT (quand elle était encore « une »), unilatéralement et dans le dos des syndicats qui formaient la CNT-AIT, ont cessé de payer les cotisations à l’AIT pendant environ deux ans, gaspillant et utilisant cet argent aux fins qu’ils jugeaient appropriées. Les personnes qui ont pris ces décisions, en les cachant à la Confédération, voient l’AIT comme accessoire et que ses sections étaient trop insignifiantes pour mériter d’y appartenir.

D’autre part, la CNT© (nous l’appellerons désormais ainsi, et nous dirons pourquoi plus tard) commençait à organiser des conférences internationales avec d’autres organisations extérieures à l’AIT, et ce, avec l’intention de commencer à façonner ce qui serait la CIT (Confédération Internationale du Travail), une « nouvelle Internationale » – à notre avis, avec des accents bien peu libertaires. Évidemment, tout cela a conduit à son expulsion de l’AIT.

Ces actions préméditées du Comité confédéral de la CNT© et d’un certain nombre de comités et de secrétariats ont coûté l’exclusion de l’AIT. Au-delà de ces manœuvres, nous voyons maintenant comment une partie des militant-e-s, par inconscience ou indifférence, a laissé faire tout ce que cette attitude centraliste et autoritaire de la CNT© a déclenché. Des militant-e-s se sont laissé entraîner dans une nouvelle approche organisationnelle plus axée sur l’esthétique que sur l’éthique; plus sur le marketing que sur l’idéologie; plus sur les cotisations d’adhésion que sur les militants actifs, afin de se débarrasser de tout ce qui n’a aucun intérêt pour le  » plan de croissance exponentielle de l’organisation « . Les syndicats de la CNT-AIT sont ce que les membres en font. Pour cette raison même, l’anarcho-syndicalisme recherche le militantisme, la participation des adhérents au fonctionnement de l’organisation. Le tout non seulement afin de créer les liens d’entraide et de solidarité nécessaires pour maintenir les fondations de notre lutte contre l’autorité, mais aussi afin de lutter contre la passivité et la délégation de notre émancipation entre les mains d’une quelconque institution. Nous sommes une organisation d’égaux, où les travailleurs-travailleuses ont besoin les un-e-s des autres pour améliorer nos conditions de vie et avancer en direction de l’horizon libertaire. C’est pourquoi nous préférons une organisation au militantisme actif, conscient, en formation et en réflexion constante, à un syndicalisme qui privilégie une adhésion massive (par le biais d’affiliations en ligne, par exemple) dont on n’attend aucun potentiel de transformation, pas même leur présence aux assemblées, rien d’autre que leurs cotisations et leurs noms pour gonfler les chiffres et obtenir des profits. Par conséquent, l’existence d’une direction dans la CNT© qui prend des décisions sans informer ou consulter les militant-e-s, est très éclairant pour comprendre où une organisation qui se dit anarcho-syndicaliste entraine ses adhérents.

Tout au long de ce processus que beaucoup de gens interprètent à tort comme une ‘’guerre de nom’’, la cupidité de la CNT© et son manque de principes éthiques et anarchistes, ont fait que certains syndicats ont fini par disparaître et que de bons camarades ont quitté l’organisation. Ils ont piétiné et détruit les énormes efforts de nombreux travailleurs pour construire l’organisation et la culture anarcho-syndicaliste.

Nous avons également vu dans cette CNT© croitre l’idée que plus un syndicat, une fédération ou une section de l’Internationale apporte de membres (et non de militant-e-s) et de revenus à l’organisation, plus il doit avoir d’autorité et de pouvoir décisionnel lorsqu’il conclut des accords (si on peut les appeler ainsi) avec les camarades d’autres localités ou régions. Il n’est pas nécessaire de souligner combien cette logique est néfaste dans une organisation fondée sur l’entraide, la libre entente et le fédéralisme anti-autoritaire. On commence déjà à voir les résultats : recherche d’adhérents comme moyen d’obtenir des votes (ou achat direct de votes en gonflant le nombre de membres avec de fausses cotisations) et un centralisme qui donne tout le pouvoir décisionnel aux grandes villes par rapport aux petites. Un tel autoritarisme centraliste n’a rien à voir avec un fédéralisme anarchiste basé sur la solidarité et la recherche du consensus.

C’est sans doute l’une des raisons qui a conduit la CNT© à s’en prendre à l’AIT. Nous comprenons qu’une organisation qui se veut le germe d’une société libre et anarchiste ne peut baser ses accords sur la soumission à la volonté de ses camarades de lutte. Nous ne cherchons pas à nous imposer par le vote, nous cherchons à transmettre une opinion, une position, un accord sur toute question, en essayant d’atteindre le consensus. En dehors de cette dynamique intentionnelle, toute décision prise par vote, sans débat, sans concessions et sans recherche de terrains d’entente, s’avère conflictuelle, forcée, et peut entraîner des dommages irréparables, comme cela s’est produit.

Et quel est le résultat de tout cela? Une rupture et une confrontation entre deux organisations qui, jusqu’alors, n’en formaient qu’une seule – la CNT-AIT. À partir du moment où les dynamiques et les logiques centralisatrices et autoritaires sont devenues la norme, tout débat et toute divergence seront résolus par des expulsions d’une ampleur jamais vue auparavant. Les accords, les statuts et les règles de notre organisation ont été imposés dans le but de faire taire, d’obliger à démissionner ou d’expulser directement les syndicats et les camarades qui entendaient faire face à une dérive aussi alarmante. Une véritable purge. Depuis le début des manigances du Comité confédéral et de ses partisans, au moins 30 syndicats ont quitté la CNT© ou ont été expulsés. Ceux qui sont restés dans la CNT© et qui ont critiqué l’attitude du Comité confédéral ont également fini par être expulsés. Tout au long de ce processus, la CNT© s’est révélée être une organisation qui rejette le dialogue avec les camarades et qui se limite à compter les votes avec lesquelles ils exécuteront leurs accords.

En 2015, certains de ces syndicats, embarrassés et radicalement opposés à la dérive prise par la CNT©, ont décidé d’entamer un processus de restructuration de la CNT-AIT. Ce processus a abouti en 2017 à la reconnaissance de cette organisation comme section de l’AIT dans l’État espagnol.

La CIT est ici représentée comme des vautours sur un local de la CNT-AIT espagnole

Mais dans les plans de cette méconnaissable CNT©, il n’y a pas de place pour l’existence d’une CNT-AIT. En 2017, réalisant que l’engagement et l’affinité de l’anarcho-syndicalisme pour l’AIT non seulement n’avait pas disparu, mais était en train de croître et de se consolider avec l’affiliation de nouveaux syndicats et sections, le Secrétariat permanent de la CNT© du Comité confédéral -Enrique Hoz- a engagé un avocat de Séville aux frais des fonds confédéraux et une fois de plus sans l’accord des syndicats et dans le dos de l’organisation. L’objectif était de poursuivre sept syndicats de la CNT-AIT (ainsi que l’Athénée libertaire d’Albacete) devant les Tribunaux du Travail de six provinces différentes. L’accusation : « usurpation de sigles et atteinte à l’image publique ». Les Tribunaux du Travail des six provinces considéraient les sept syndicats poursuivis comme une seule et même structure organisationnelle au niveau de l’État espagnol et n’ont pas donné suite aux poursuites. Non satisfaite des dommages causés, et avec une CNT-AIT qui, loin de disparaître, continue de croître après sa restructuration, la CNT© fait à nouveau appel à la justice de l’État dans la seconde moitié de 2020 pour tenter de mettre fin à la CNT-AIT, mais cette fois devant la Cour nationale. Sous les mêmes chefs d’accusation, ils réclament 50 000 euros de compensation à chaque syndicat, y compris les sept syndicats précédents et les nouveaux – (dont certains n’existaient même pas lorsque cette situation a éclaté). Et comme si cela ne suffisait pas, certains syndicats sont même accusés d’occuper des locaux appartenant à la CNT©, alors qu’ils n’ont même pas de locaux et se réunissent dans des espaces n’appartenant pas à l’organisation.

C’est leur objectif, s’approprier les quelques ressources que la CNT-AIT possède encore, ses locaux, afin de les vendre et de continuer à payer des honoraires et des indemnités à leurs professionnels syndicaux, leur copinage, leur corruption et toutes leurs dépenses scandaleuses (qu’ils ont bien essayé de cacher).

Tout au long de ce processus que beaucoup de gens interprètent à tort comme une ‘’guerre de nom’’, la cupidité de la CNT© et son manque de principes éthiques et anarchistes, ont fait que certains syndicats ont fini par disparaître et que de bons camarades ont quitté l’organisation. Ils ont piétiné et détruit les énormes efforts de nombreux travailleurs pour construire l’organisation et la culture anarcho-syndicaliste.

Nous voulons aussi dire que notre principal patrimoine, notre plus grande richesse, c’est notre militantisme qu’ils ne pourront jamais nous arracher ou détruire.

Au début de la déclaration, nous avons dit qu’il y a moins de 10 ans, il n’y avait qu’une seule CNT dans l’État espagnol et maintenant, en 2021, nous disons qu’il n’y a toujours qu’une seule CNT légitime, la CNT-AIT. Nous nous défendrons contre ces méprisables attaques et nous ne céderons pas nos locaux, notre patrimoine documentaire ou notre histoire. Nous voulons aussi dire que notre principal patrimoine, notre plus grande richesse, c’est notre militantisme qu’ils ne pourront jamais nous arracher ou détruire. Les monarchies, les dictatures, les infiltrations ou les montages policiers n’ont pas pu le faire et cette organisation méconnaissable ne le peut pas non plus. Ils ont pris un chemin qui les mène vers un syndicalisme de service, vers une organisation de plus en plus professionnalisée, centralisée et verticale, s’éloignant du principe du fédéralisme anarchiste. Il n’est pas surprenant que, dans une perspective centraliste et hiérarchique, obsédée par l’image et le marketing, le Comité national de gestion de la CNT© ait décidé d’enregistrer le logo, le drapeau et les sigles, en essayant également d’obtenir une part de tout cela dans les tribunaux (d’où le ©). Il semble presque que nous soyons face à une entreprise plutôt qu’à une organisation prétendument anarcho-syndicaliste.

Nous nous sommes battus et continuerons à nous battre pour nous défendre tout en continuant à travailler sans relâche pour saper les structures de pouvoir et construire la société que nous voulons. Le temps est venu de briser le silence afin que le mouvement anarchiste et l’anarcho-syndicalisme du monde entier connaissent la situation de la CNT adhérant à l’AIT. Le temps est venu pour que tout le monde, y compris les syndicats et les militant-e-s qui forment la CNT© aujourd’hui, prennent part et mettent de côté leur indifférence.

Pour la défense de l’anarcho-syndicalisme, de l’internationalisme et de la lutte anarchiste !

Pour la défense de la CNT-AIT !

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