Voici des extraits de la soutenance de thèse de François Guinchard.
Celui-ci a écrit son mémoire sur l’histoire de l’A.I.T. de 1922 à 1936. Il a été publié aux Éditions du temps perdu en 2012. Ce livre sera bientôt en vente à L’Insoumise et aussi disponible pour emprunt au DIRA.
Espérons que la présente thèse sera à son tour publiée.
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Ce texte reprend celui de la soutenance de la thèse L’Association internationale des travailleurs après la Révolution espagnole (1939-années 1990). Principes, tactiques et finalités anarcho-syndicalistes : crise permanente et résurgences marginales, qui s’est déroulée à l’université de Bourgogne le 20 novembre 2017.
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Le 20 novembre est une date incroyablement symbolique, du point de vue du sujet dont nous allons traiter. En effet, le 20 novembre 1936, à Madrid, mourrait Buenaventura Durruti, le héros anarchiste espagnol, et le même jour disparaissait José Antonio Primo de Rivera, fils de l’ancien dictateur et fondateur de la Phalange. Deux semaines auparavant, quatre anarchistes réalisaient le paradoxe d’intégrer le gouvernement de la seconde République espagnole. L’ironie du calendrier veut encore que ce soit un 20 novembre, en 1975, que Francisco Franco meurt dans son lit, après avoir exercé près de quarante ans de dictature.
Au-delà des coïncidences, voilà de quoi faire sentir à quel point l’histoire de l’anarcho-syndicalisme est hantée par le spectre de l’Espagne. Rudolf Rocker, membre fondateur et figure emblématique de l’Association internationale des travailleurs (AIT), écrit d’ailleurs dans ses mémoires : « C’est un fait qu’avec la défaite de la guerre civile espagnole, au cours de laquelle notre mouvement a joué un rôle si héroïque, s’est scellé aussi le destin de l’AIT ». Ma thèse s’attache, si l’on peut dire, à tester cette hypothèse.
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Ainsi, mon mémoire traite de l’AIT avant l’éclatement de la guerre civile d’Espagne. L’histoire qu’il retrace est résumée en introduction de ma thèse, et touche essentiellement à la transition d’une partie du mouvement syndicaliste révolutionnaire vers l’anarcho-syndicalisme, dans le contexte de la montée en puissance du communisme bolchevique puis des fascismes.
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L’étude d’un mouvement international dans sa globalité amène à s’intéresser à une multitude d’acteurs, de faits, de discours, de conflits et de situations, sans pouvoir les décortiquer de manière aussi approfondie qu’ils le mériteraient. Je puis assurer que le sentiment de frustration que cela produit est au moins aussi fort chez l’auteur que chez le lecteur.
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Le parcours de [Renée Lamberet], tout comme celui de Federica Montseny, parmi d’autres, atteste en tout cas que des femmes ont pu exercer d’importantes responsabilités au sein du mouvement anarcho-syndicaliste. Néanmoins, ceci ne doit en aucun cas occulter le fait que l’AIT, durant la période étudiée, a négligé de réfléchir et de débattre des rapports de genre, que ce soit les problèmes spécifiques de la main d’œuvre féminine, l’exploitation du travail que constitue la répartition des tâches domestiques, ou le cas des comportements et situations discriminatoires au sein même de l’organisation.
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Au terme de cet examen, on peut donc estimer que Rudolf Rocker avait vu juste en affirmant que la défaite de la Guerre d’Espagne scellait le destin de l’AIT, au sens ou depuis lors elle tend à ériger les collectivisations de l’été 1936 en un modèle universel qu’elle peine à adapter à la modernité, et à vivre dans l’obsession de se prémunir contre les erreurs ou dérives apparues à cette occasion ; au sens enfin ou elle n’a jamais su terminer ni dépasser le conflit qui en découle quant à l’articulation entre principes libertaires et pratiques syndicales.
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